Coltrane
Dans le temps, je connaissais un contrebassiste, un type immense aux paluches démesurées qui ahanait comme un boeuf en marquant le tempo. Il était très impressionnant, grande carcasse d'ours agrippée au manche de son instrument qui oscillait doucement, semblant désespérément chercher son souffle.
Il interprétait indifféremment du jazz ou du Bach, avec un talent surprenant, quoiqu'un peu rustique, primitif, comme celui d'un animal fouisseur surgi à la lumière et frappé par la grâce de la muse.
Il me racontait que Coltrane, à force de souffler sans cesse dans son sax, à force de chercher le son parfait, finissait par saigner du nez (ou des lêvres, je ne sais plus bien).
J'ignore si l'anecdote est véridique, mais j'ai été frappé par la conclusion qu'il en tirait et dont je me souviens encore, près de 15 ans plus tard : ce monde ne mérite pas qu'on se donne autant.