Alba & Teresa
3ème jour sans regarder par dessus mon épaule.
4ème sans écouter qui que ce soit.
5ème sans manger gras.
6ème sans penser qu'il y a d'énormes trous gris dans mon ventre.
7ème sans penser à Térésa ni à Alba.
Alba
est ravissante, les traits fins, ce serait un pécher que de poser mes
doigts sales sur sa peau. Alba est une vraie jeune fille, quand on
passe l'index autour de sa vulve qui se doit d'être épilée mais pas
trop, c'est tout sec. Avec Alba, on ne pense pas à des introductions.
De morceaux de soi ou d'autres choses plus consistantes, mais un peu
trop fermes, que ce soit du métal ou toute sorte de plastique.
Quand
on dit un mot à Alba, il rebondit sur son visage, on a un peu honte,
parce que ce n'est jamais le bon mot. Elle vous regarde comme si vous
n'étiez qu'un cracheur de mots pas adéquats. Les mots ne restent pas
sur sa figure, ils ne glissent pas non plus ; ils tombent comme des
mouches, comme si sa peau était couverte de tue-mots. D'ailleurs, sa
peau, c'est une vraie perfection, si lisse qu'on se dit qu'elle doit
passer quelque chose dessus, crème de jour après crème de nuit. Des
crèmes aux pyréthrinoïdes spécialement synthétisées.
Alba, face à elle, on est
comme une masse de vide sale, sale dans le sens où le vide deviendrait
visible comme une atmosphère chargée en poussières. Qu'elle est belle,
Alba, et qu'on est ridicule à agiter ses lèvres molles pleines de
minuscules gouttelettes, alors qu'on voudrait lui prouver qu'on est
digne ou au moins acceptable pour quelques minutes de rang. Alors on se
tait.
Térésa c'est différent. Elle parle avec des yeux si
remplis d'humidité qu'on déglutit parce que sinon il faudrait empiler des
mots rusés pour lui faire comprendre que moi aussi, je voudrais voir
comment elle est faite à l'intérieur ou, même, plus simplement sans ses
vêtements. Térésa, elle donne envie de voir jusqu'où on peut enfoncer
des objets au fond de sa gorge. Pas des accessoires nécessairement
sexuels. Un simple doigt qui irait fouiller et ramener des morceaux de
salive, ou ce truc un peu différent et plus collant qui se cache à la
base de la langue. Ce qu'on ne fait pas, parce que ça l'empêcherait de
parler, et qu'on est pas du genre à interrompre Térésa - ou qui que ce
soit d'autre - pour vérifier que sa gorge est autrement plus émouvante
que celle d'Alba.
Térésa, elle le dit d'ailleurs qu'on peut la
fouiller et constater qu'elle ne ment pas. Mais pas à nous. Je
veux dire : c'est pas touche pour les petits garçons qui n'ont même pas
le droit de l'explorer. Elle le dit aussi. Elle dit : « je suis un tas
à triturer, mais seulement pour ceux qui sont accrédités ». Toi, moi,
on n'est pas accrédités. Je ne sais pas d'ailleurs qui l'est. Ou
comment il faut faire pour l'être.
Sur le fond, elle est comme Alba,
elle tamponne le front de ses interlocuteurs pour savoir la prochaine
fois si elle peut montrer un peu de son tas ou pas ou juste raconter
que c'est un tas qu'on peut toucher, sucer, pétrir, mâcher, régurgiter,
mais pas touche parce que l'étiquetage ne ment pas et qu'en plus c'est
elle qui a voté les labels.