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Mémoires d'un apathique
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26 octobre 2007

Venus d'ailleurs

Comme essaient de le faire croire quelques méchants critiques à l'argumentation un peu courte, la (très relative) vogue actuelle  des nanars n'est pas un simple snobisme.
Non.
C'est d'abord une réaction bien légitime à l'ennui généré par une production cinématographique académique, et donc à la fois chiante et sans surprise. Certes, il y a, je le crains, un nombre malheureusement croissant de personnes pour qui toute forme de création a pour fonction, avant toute chose, de les rassurer, de les ancrer dans un monde prétendumment mouvant, et surtout de ne pas les prendre à contrepied. C'est le syndrome téléfilm en 35 mm, le blockbuster de bourrin en étant une version plus spectaculaire (mais pas plus imaginative).
Reste toutefois un groupe hétérogène d'amateurs qui ne pensent pas que le cinéma puisse n'avoir qu'un rôle de couverture chauffante ou de charentaises. Et parmi ces derniers, les amateurs de nanars, qui, contrairement à ce qu'on imagine, ont une culture filmique bien supérieure à n'importe quel lecteur (et même critique) de Télérama. Sans parler du goût.
D'ailleurs, les soirées Bis de la cinémathèque - qui existent depuis 1993 - sont animées par des monstres d'érudition (légèrement en vrille), certes un peu pervers comme le nombre de séances consacrées aux films de prisons de femmes tend à le prouver.
Les amateurs de Bruno Mattei, in fine, appartiendraient à une élite raffinée, rare et sur laquelle la main de Dieu se pose fréquemment.

Cette énorme introduction pour en arriver au fait que Framprix vend en ce moment des DVD à 1.99. Parmi lesquels on trouve essentiellement des bouses honteuses destinées au marché du câble aux USA, marché énorme dont nous n'avons aucun équivalent en France et qui constitue le vivier des néo-nanars (par opposition aux paradigmatiques nanars 80's - généralement italiens).

Parmi eux, Venus d'ailleurs (Them), à la VF monolithique assurée par Pipo, René et ses cousins. De prime d'abord, il ne pourrait s'agir que d'une sympathique nazerie sans cachet particulier, puisqu'on est en présence d'un décalque de la série Les envahisseurs : des extra-terrestres patibulaires ont sournoisement infiltré notre planête et quelques allumés qui les ont vu essaient de convaincre un monde incrédule. Contrairement à la série, il ne s'agit plus d'une parabole sur les dangers du communisme, mais sur ceux que font courir à la planête des aliens foncièrement méchants dont on ne connaitra jamais précisemment les motivations exactes.
Réalisée par un tâcheron de la télé, cette production présente toutes les caractéristiques classiques du Z (disons du Y) : scénario à la fois navrant et confus, acteurs inexpressifs, décors minables, effets spéciaux calamiteux, personnages insupportables (le kid qui écoute du hard-rock alors que son oncle lui est fan de country - « c'est le sang de l'amérique » - ce qui donne lieu à de pénibles disputes pour savoir qui va avoir le contrôle de l'autoradio en bagnole).
Rien que du balisé, qui, a priori, n'a rien pour emporter l'adhésion, et qui risque même de faire basculer le métrage dans l'ennuyeux et le franchement mauvais.
Comme souvent dans ce genre, la petite étincelle qui lui permet de sortir du lot provient d'un élement purement contingent. En d'autre termes, c'est un peu par hasard, par accident, que Venus d'ailleurs peut prétendre au titre de nanar gouleyant. Ce qui n'a rien de honteux, puisqu'après tout Maiakovski restait tout émerveillé par ses fautes de frappe à la machine et leurs potentialités poétiques (depuis le temps que j'essaie de le placer, celui-là).
En fait, il ne s'agit pas d'un film à proprement parler, mais de deux épisodes d'un pilote TV non retenu et (mal) remontés pour en faire un métrage de 90'.
Dit comme cela, ça n'a l'air de rien, mais ce passif de série TV explique pourquoi certaines péripéties ne sont pas clairement explicitées, étant donné qu'elles auraient du l'être dans les épisodes suivants. D'où un côté surréaliste, poétique, et quelque peu onirique. Pas moins. Qui transforme une bourrinade peu inspirée a priori en une chose assez succulente pour peu qu'on en accepte la délicate incohérence. Laquelle se retrouve dans certains dialogues à contre-temps, sans qu'on sache ce qui motive cet état de fait (dans le sens où ils auraient quand même du être « normaux » au sein d'un épisode).
Le plus délectable n'apparait qu'au fur et à mesure : a priori, les aliens ne sont qu'une avant-garde destinée à préparer l'arrivée de troupes plus nombreuses. Ce qui parait assez logique et respectable. L'ennui, comme nous n'avons que les deux premiers épisodes, c'est que la masse de l'armée extra-terrestre reste très théorique, et que, par conséquent, la terre est en train d'être envahie par 5 (cinq) extra-terrestres, dont une pouffe en tenue de dominatrice. Et à mesure que le métrage avance, le côté ubuesque de la situation apparait au grand jour, et rappelle irresistiblement Plan 9 from outer space (c'est le même pitch, finalement, sauf que dans Plan 9, les 4 (quatre) aliens décident d'envahir la planête en « réveillant » 2 (deux) morts - c'est encore pire).
Au final, grâce à son statut batard de série-TV-2-en-1, Venus d'ailleurs accède au panthéon des nanars honorables, voire très réussis (ou plutôt trés ratés) au lieu de se cantonner dans son rôle premier de truc mal torché à petit budget.

Donc, la prochaine fois que vous allez chez Framprix, vous savez ce qu'il vous reste à faire ...

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Commentaires
M
Il y a là deux problématiques je pense. <br /> <br /> Que tu n'aimes pas les nanars, ok, c'est un choix, très bien, tout le monde n'est pas obligé d'être pervers.<br /> <br /> "Est-ce qu'on ne peut pas aimer le cinéma sans tenir compte du nombre d'entrées enregistré", c'est une autre histoire. Déjà, il faut bien voir que dans ce cas le nanar n'est qu'une des formes du "moins ça a marché, mieux c'est". Il y a certainements d'autres "clans", comme ceux qui vont voir les films-d'auteurs inconnus à la séance de midi au MK2.<br /> <br /> Ensuite, GENERALEMENT, les succès publics sont des trucs assez atterrants, formatés pour ça, avec un montage financier tel que ça ne pouvait être qu'une merde grand public (condition sine qua none pour avoir les fonds). C'est presque une question structurelle, à ce niveau là. Alors, evidemment, il y a des exceptions ("dancer in the dark", par exemple) qui sont montés en épingles : fait le décompte sur ton site de tous les films que tu as beaucoup aimé, et repère parmi ceux-là, ceux qui ont eu du succès au box-office. Quel pourcentage ? Ce que je veux dire par là, c'est que je ne suis pas sur que tu mettes toi-même en pratique ta sentence.<br /> <br /> Et je suis parfaitement d'accord pour dire qu'a contrario un bide n'est pas signe de qualité. Un bide est SOUVENT signe de nazerie. Je suis d'ailleurs le premier à reconnaitre qu'il y a des nanars nuls (des navets, donc), plein même, et il y a même des sites faits justement pour départager les justes.<br /> <br /> Quant à se fier au "j'aime/j'aime pas", je tiendrais à la relativiser, pour la simple raison que le cinéphile avant d'entrer même dans la salle, sait qui est le réalisateur, les acteurs, voire le chef-op, etc .... Et de toute façon, je n'y crois pas, au "j'aime, j'aime pas". Le gout, ça s'apprend aussi. Et d'autres raisons encore ...<br /> <br /> Enfin, je m'aperçois que les films ne se rangent pas en deux catégories (MERDES/PAS MERDES), mais en 3 : MERDES/MOYENS/BONS (avec evidemment toutes les subdivisions possibles). En ce qui me concerne, c'est le MOYEN qui est ma cible parce que d'abord c'est le gros de la production, et surtout que c'est là où on assiste à la mainmise du "téléfilm-en-35mm". Et c'est contre cela (le T35mm) que les amateurs de nanars existent (il préféreraient, sauf quelques dingues, voir des BONS films). <br /> Evidemment, on peut se dire que, tant pis, on va voir que les BONS films (sans se rabattre sur les nanars ou tout autre perversion). Mais d'abord, il n'y en a pas beaucoup, et en plus les frontières sont mal définies (j'ai connu un type qui trouvait que Bergmann c'était de la dramatique télé avec plus de moyens).<br /> <br /> Et puis, il y a toujours eu des clans parmi les cinéphiles (et à mon avis ça ne va aller qu'en s'accentuant). Reste le grand public ... Moi, je sais pas ce que c'est, j'en fais pas partie, mais j'avoue être souvent atterré quand j'entends dire que truc ou bidule est génial (pas juste "bien" ; "génial").
G
Mmmmm, je fais partie des gens qui considèrent un peu trop "furieusement tendance" et "délicieusement décalés" les amoureux des nanars. Tes arguments ont beau être valables, je préfèrerai toujours un Bergman ou un Hitchcock ou un Cronenberg aux "fourmis venues de l'espace contre Godzilla". Il n'est pas bon, ce me semble, de séparer systématiquement les choses, genre : d'un côté, les films que les gens vont voir, et de l'autre ceux que personne ne voit (donc, les bons, par une pirouette un peu courte basée sur le "ce que beaucoup de gens voient est mauvais"). <br /> Est-ce qu'on ne peut pas aimer le cinéma sans tenir compte du nombre d'entrées enregistré (dans un sens ou dans l'autre)? Est-on d'accord pour dire : un succès peut être bon, un échec aussi, et inversement ? Est-ce que ça ne serait pas plus sain de regarder les choses SIMPLEMENT, genre : ça me plaît, ou ça me plaît pas ? Vouloir être résolument contre la masse est une réaction normale, et souvent bonne. Mais brandir Godzilla ou "Dracula contre les Argonautes" comme des icônes de la contre-culture de bon goût n'est pas forcément la bonne idée pour affirmer son amour du cinoche. <br /> Je reconnais que les fans de ce genre de daube sont souvent des têtes, mais ce sont aussi souvent de grands malades, qui à force de vouloir se dresser contre, ont fini par se laisser enfermer dans leur système. Je regrette, mais Rosselini, Eustache ou Woody Allen, c'est bien aussi. Voire mieux.<br /> Pardonne cet accès de consensualisme (ça se dit?), mais je n'aime pas les nanars, je trouve que ce sont souvent des ... nanars.
Mémoires d'un apathique
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