Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mémoires d'un apathique
Archives
7 décembre 2006

Les nourritures spirituelles

Quand on parle de spectacle familial, on pense aussitôt à bonne grosse daube infantilisante. Et on a raison. La famille est le cloaque dans lequel sombre l'intelligence. On se demande d’ailleurs bien pourquoi le fait d’élever des enfants décape tellement les neurones. Peut-être que l’élevage est une activité épuisante qui ne laisse pas tellement le temps pour s’embellir l’âme (comme on disait jadis). Et aussi que pour gérer la progéniture en bas âge, on doit rester à la maison, et que dans ses conditions, regarder la télé devient une sorte d’obligation. Et comme chacun le sait, regarder la télé quotidiennement est le meilleur moyen de se liquéfier le néo-cortex. A moins qu’à l’inverse, l’idée de faire des gosses ne puisse germer que dans des têtes déjà peu gâtées par la nature et prédisposées de toute façon à apprécier les spectacles familiaux.

Je tiens à signaler, tel l’antisémite honteux, que je connais des couples plus qu’honorables et que certains de mes meilleurs amis sont mariés. Avec enfants.

Ceci étant dit, on comprend bien pourquoi la télé, organe consensuel s’il en est, est le réceptacle obligé et naturel du spectacle familial. Au contraire du cinéma, qui est, dans l’esprit de ceux qui y croit, sinon un art, du moins une activité des plus remarquables. Ou qui du moins peut l’être, contrairement au bocal cathodique. En résumé, la télé, c’est pour les cons ; le cinéma, c’est pour les ceusses qui en ont là-dedans.

C’est un modèle que je n’ai jamais remis en question, et qui se trouvait renforcé à chaque fois que je trouvais nez à nez, par hasard, avec un des rejetons dégénérés de l’ORTF.

Pourtant, a existé une époque où la télé n’existait pas. Où l’on allait au cinéma en famille pour y voir les actualités, suivies de films justement familiaux. Films navrants que l’on s’est bien évidemment empressé d’oublier. Comme on a oublié qu’avec la mauvaise littérature, il y aurait de quoi combler le Grand Canyon.

Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que avant, c’était mieux. Avant on travaillait comme des bêtes, on gagnait peu, on chopait des maladies indécentes, et les pétomanes étaient considérés comme un spectacle de bon goût. Donc avant, pour toute la famille, on fabriquait du film familial, qui rétrospectivement fait honte, et qu’on a viré des encyclopédies du cinéma, en ne gardant hypocritement que le meilleur (il est difficile de garder le meilleur de la télé ; ça n’existe pas ; il n’y a que du moins pire).

La cinémathèque qui a pour mission (sacrée) de diffuser tout le cinéma, m’a ainsi permis de voir ce qu’étaient le cinéma familial d’avant la télé. Par exemple Echec au porteur où Reggiani joue un petit truand qui transporte de la schnouf dans un ballon de football. Oui, vous avez bien lu : plutôt que de remonter la came par camion entier de Marseille, le milieu préfère la mettre dans un ballon, et donc utiliser ce moyen plus que laborieux pour inonder la capitale de drogueu. En fait ce n’est qu’un prétexte, parce qu’ensuite des méchants placent une bombe dans le ballon, et des gosses le récupère, tout ça, mais heureusement le commissaire Machin intervient à temps et tout rentre dans l’ordre. Bref, complètement con, mais plein de bons sentiments et de rebondissements convenus. De la pré-télé en somme. Pareil pour La conquête de l’espace, space-opéra indigent, au récit plus que linéaire (il fallait que n’importe qui puisse suivre), à l’humour plus que balourd (il fallait que n’importe qui puisse rire), et aux personnages plus que caricaturaux (il fallait que n’importe qui puisse s’identifier). Bref un truc que le dernier des demeurés peut comprendre, et qui annonce la télé dont la mission, quand elle est d’Etat, est de pouvoir parler justement au dernier des demeurés, et quand elle est privée, est de pouvoir capter l’attention de ce dernier des demeurés pour lui fourguer de la pub.

Le tout est de trouver une conclusion à ce passionnant article. Il n’y en a pas. Sinon que les spectacles familiaux ont toujours existé (au moins depuis la révolution industrielle), qu’ils ont toujours été navrants, que la famille a toujours été considérée comme la clé de voûte de la société moderne, et qu’elle est probablement le corps social le plus conservateur qui soit. Toutes ces assertions doivent certainement pouvoir se déduire les unes des autres …

Publicité
Commentaires
P
En plus, excuse-moi, mais il est totalement faux que la famille rende con, que faire des enfants rende laid, qu'élever des enfants bouffe les neurones. Là, pour le coup, je trouve que tu pousses le bouchon un peu loin. Tu dois trop regarder la télévision.<br /> Les gros porcs que nous avons vu tous les deux suer en Thaïlande à la recherche de chair fraîche asiatique sont en général des gens qui manquent d'attaches affectives dans leur pays d'origine. Ce sont des atomisés. Les touristes hideux que tu rencontres un peu partout sont juste des gens cons et sans imagination (témoin leur manière de voyager), et le fait qu'ils soient en famille ou non n'a rien à voir avec ça — quoi d'étonnant que des gros cons en couple produisent des gros cons lorsqu'ils procréent ?<br /> Et puis regarde un peu autour de toi si les "gens avec enfants" que tu connais sont plus laids et plus cons que les autres. Moi je ne vois rien de tel. J'ai connu aussi une famille de réfugiés chiliens dans les années 70, monsieur et madame avaient sept enfants. Tout le monde était d'une beauté renversante, le père, la mère, les mômes, la grand-mère, tous étaient pleins de charme, d'intelligence et de classe. Je pourrais citer tant d'autres exemples. Et je m'arrête parce que j'ai un avion à prendre.
P
C'est pas que j'aie tort ou raison, on a raison tous les deux. <br /> <br /> C'est même pas une raison d'être d'accord : ce que je décris est une réalité, particulièrement sensible chez les plus défavorisés dans les sociétés occidentales, et même moi, qui ne fais pas partie de ceux-ci, j'en fais l'expérience directe. Ceux qui ont une famille ont tendance à croire que ça va de soi, alors c'est facile pour eux de critiquer l'institution.<br /> <br /> On n'en est plus désormais, dans le discours autoritaro-médiatique, à la famille de type pétainiste, genre "faites des mômes, nous faisons le reste". Maintenant on en est à : "nous voulons avant tout des gens seuls, vulnérables, alors dynamitons discrètement toute forme d'agrégation sociale faisant barrage à cet isolement individuel généralisé." Or on s'est débarrassé du syndicalisme, la sécu fera bientôt partie de l'histoire, la solidarité sociale n'est plus bonne qu'à soulever des rires gras chez ceux-là même qu'elle était censée protéger, les nantis qui se croient planqués n'ont même pas conscience d'être sur siège éjectable alors ils ricanent aussi ; et la famille est le dernier barrage qui reste, que tu le veuilles ou non. Parce qu'elle contient quelque chose de sûr, d'inconditionnel. <br /> <br /> Et c'est cette inconditionnalité qui doit être détruite, pas les valeurs familiales à proprement parler.
M
Bon là tu me bluffes là, Ptipois. C'est pas que je sois d'accord, mais une assertion de ce gabarit, aussi intimidante, mérite une réponse adéquate. Ca va être l'objet d'un post. Patience ...
P
(Just = je voulais dire "juste".)
P
Sur la nature de la famille en temps que corps social intrinsèquement conservateur, je ne suis pas d'accord avec toi, bien que ton interprétation soit just. Mais elle est très partielle. On en reparlera à mon retour, mais on peut aussi voir la famille comme la dernière institution humaine encore capable de résister à l'atomisation sociale du capitalisme actuel et d'assurer aux humains un dernier semblant de solidarité et de soutien contre l'adversité. Raison pour laquelle le pouvoir marchand et les médias à leur botte n'ont de cesse d'imposer un modèle de société où cette institution paraît ringarde, dépassée, et n'a d'autre choix que de se dissoudre. Contrairement à toi, je crois qu'il y a actuellement un potentiel révolutionnaire dans la notion de famille.
Mémoires d'un apathique
Publicité
Publicité