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Mémoires d'un apathique
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11 septembre 2006

Les derniers jours

Ce qu'il y a d'étonnant avec les romans de Raymond Queneau, c'est que sous une forme d'apparence guillerette, voire rigolote, se fait entendre une basse continue d'une tristesse insondable. Discrête, la basse. Mais continue. Les derniers jours, un roman relativement mineur d'avant guerre, est une longue circumnavigation autour de l'ennui, de la vacuité, une marche ensommeillée dans les sables mouvant du rien quotidien. Pas vraiment un livre sur la médiocrité. Un livre sur le rien de l'existence.

Oh, c'est une tristesse qui ne roule pas des mécaniques, qui ne se couvre pas la tête de cendres, qui ne hurle pas un desespoir codifié par temps d'orage sur la lande ou qui vaticine dans des asiles à Rodez. Ce n'est pas qu'une question de pudeur. Peut-être que Queneau s'était dit que pour parler de l'inanité de toute existence, pour parler du vide et du rien, il fallait le faire avec cette espèce d'attention d'entomologiste vaguement attendri. Parler du rien n'est pas bien sérieux quand on le fait avec des mots tous boursouflés qui déforment la bouche. Il faut probablement le faire avec une certaine retenue sans quoi on passe à côté de cette qualité subtile du rien qui est justement de n'être rien.

Bien sur, il aurait pu le faire à l'allemande, le Queneau, avec une lourde pesanteur explicite, forme académique de l'histrionisme romantique, et disséquer le néant en 3 tomes de 1000 pages. Ce qui est un peu paradoxal.

En fait, Les derniers jours réussit magistralement là où L'étranger de Camus est un tant soit peu laborieux. Vertigineux là où l'autre devient didactique. Ce qui explique que le dernier soit au programme de l'Education Nationale et autorise de besogneuses dissertations sur l'absurde existenciel (scoop : un futur réalisateur français avait fait un exposé vertigineusement banal en première sur le sujet). Ce qui amène à la conclusion sans surprise que la Grande Littérature, c'est celle qu'adorent les profs, les gens les moins talentueux qui soient.

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Commentaires
M
Mais de rien ...<br /> Comme quoi, les blogs peuvent avoir un interet pratique (ici, jouer une reminiscence), ou un interet tout court, chose dont parfois je doute.
A
j'avais completement oublié d'avoir lu -les derniers jours- et là tout de suite je vois où et quand et ce que je ressentais à la lecture.<br /> alors merci cher monsieur et 200% d'accord avec la conclusion.
Mémoires d'un apathique
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