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Mémoires d'un apathique
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21 juillet 2008

Horst Wessel Lied au bout du RER

C'est en lisant City of quartz que l'idée a commencé à germer. Bouquin fascinant comportant en particulier ces descriptions de communautés nanties et refermées sur elles-mêmes, de villes privatisées autour de Los Angeles, avec murs d'enceinte et vigiles pour contrôler entrées et sorties. J'ai jeté un oeil à l'une d'elles à Phoenix. D'assez loin parce que les types en noir à tête de psychopathes qui gardaient les points d'accès m'intimidaient et que je n'avais aucune envie de m'attirer des ennuis à moins de 18 heures de mon décollage. De toute façon, l'avion, je l'ai raté, étant enfermé dans une des prisons de la ville, à 40 dans une cellule prévue pour 6. Pour une toute autre raison, mais ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui...
Mélangeant cela avec des histoires de citoyens férus d'exercices para-militaires, façon milices de l'Idaho, je m'attelais à une idée de série de faux-documentaires sur des cinglés paranoïdes à proposer à des chaines de télé.
Puis un autre livre, Le ghetto français, sur le développement des ghettos de riches en banlieue parisienne (et donc de ghettos de pauvres, par réaction - au sens physique et mécanique du terme - et par défaut pourrait-on dire), typiquement vers le sud-ouest, mais pas seulement. Création d'un entre-soi explicitement discriminatoire avec ses codes sociétaux à respecter.
Tout cela je m'en doutais.
Je n'arrivais pas à mettre la main sur l'idée générale qui sous-tendait l'ensemble, mais je savais qu'il y avait quelque chose.  Quelque chose d'occulté, de jamais ou rarement traité. Les résultats des présidentielles me l'ont confirmé : Sarko minoritaire dans les villes de grande et moyenne importance (par moyenne importance, j'entends une ville de la taille de Nantes, par exemple), et majoritaire dans les banlieues. Le candidat idéal de la trouille, de l'égoïsme borné et indexé à un consumérisme stupéfié. Au sens strict, la banlieue middle-class était le biotope idéal de notre  nihilisme début de millénaire. Le vrai nihilisme, l'adoration béate et joyeuse du néant, avec ses fidèles amateurs de golf et de thuyas soigneusement taillés.
Et puis, j'y ai foutu les pieds, dans une de ces banlieues, en tant qu'invité. Mon hôte m'expliqua le communitarisme étriqué qui régissait l'endroit. Les déviants, les pas-tout-à-fait-dans-la-norme qui retrouvaient leurs boites aux lettres remplies à ras bord de prospectus, voire d'ordures ou les merdes de chien balancées sur le gazon, à titre de représailles. Je pensais qu'il en rajoutait, cela faisait partie de son personnage - mais je savais au fond de moi qu'il avait raison. Un monde sorti d'une production Disney avec des voitures nickel en permanence, des pelouses soigneusement tondues, et une population mâle adorant sans complexe le football (comme quoi Nikita qui se plaignait de devoir sans cesse se justifier ne se rendait pas compte que cela venait de son décalage avec son microcosme à lui ; 30 kms au delà du périphérique et il se serait trouvé comme un poisson dans l'eau).
Et voilatipa que B'. me parle de Thiais-village, de son centre commercial crypto-post-moderne et du village des 7 nains adjacent. Alors que j'étais en train de lire Que notre règne arrive de Ballard. Lourdissime comme tous les Ballard, mais bourré d'observations et d'intuitions remarquablement pertinentes, comme tous les Ballard.
Malgré la non-plausibilité absolue de son intrigue, une idée fondamentale du livre entrait en résonance avec ce qui me taraudait depuis City of quartz. Celle que le fascisme à venir, le fascisme potentiel qui nous pend au nez n'aura, d'une part, pas grand chose à voir avec celui qui l'a précédé et que, d'autre part, il se développera non plus dans les grands centres urbains, dans les villes, mais dans ces banlieues middle-class, refuge des foyers à 3000 euros mensuels. La campagne n'encerclera plus les villes pour triompher, mais ce seront ces banlieues qui le feront (en cas de victoire, bien sûr). La réaction ne viendra plus de la province, mais des banlieues middle-class et non pas des banlieues pourries sur lesquelles se focalisent des media très occupées à cajoler les habitants de ces autres banlieues. Ce ne seront pas les sauvageons qui déferleront sur les métropoles, sur les lieux de pouvoir, mais les informaticiens, les experts-comptables et les gérants de fast-foods. Ce sera d'ailleurs le seul point commun avec le fascisme à l'ancienne : la crainte de perdre ses misérables statuts entrainera cette - parait-il - insaisissable classe moyenne dans un irrationalisme politique et potentiellement criminogène, irrationalisme qui, lui, a de toute façon  le vent en poupe quelles que soient  les classes, tribus, clans et communautés de notre société. Mais un fascisme sans délire racial, sans défilés martiaux, uniformes à têtes de mort et sans grands rassemblements à Nuremberg. Un fascisme nimby sur fond de crédit à la consommation, sportwears un peu minables et monospaces à défendre coute que coute. Un fascisme déjà travaillé au corps par les démagogues de tous poils et qui affuble les citadins - supposés dégénérés - de noms dépréciatifs, le dernier en date étant bobos, en particulier en ce qui concerne  Paris. Le bobo, le dégoutant cosmopolite, l'adepte des vices inavouables (car la ville est et a toujours été fantasmée comme l'antre du vice et de la corruption - heureusement d'ailleurs, c'est ce qui fait son seul intérêt, sur le fond) et d'un snobisme bien réel, l'antithèse des représentants du pays réel qui passent leurs samedis dans les centres commerciaux. Comme quoi, de ce point de vue là, rien de nouveau sous le soleil.

Bref, un sujet d'enfer pour documentaires, faux documentaires ou fictions, je ne sais pas encore, mais il faudrait que je le propose à N. et aux autres.


PS : inutile de protester en disant que moi c'est pas du tout ça et que ma banlieue, rien à voir. Je sais. Je généralise. Mais tout le monde fait ça tous les jours sans même s'en apercevoir.

 

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Commentaires
E
Rien.<br /> <br /> Juste pour dire que les trois pubs qui agrémentent ton blog, en ce moment, c'est :<br /> <br /> Thérapie comportementale<br /> Exemples de CV<br /> Traitement Dépression
M
Escape> au village des 7 nains :)<br /> <br /> PJ> C'est toi qui fantasme :) Bobo est ici pris dans son sens dépréciatif donné par les autres (citadin friqué certes, mais citadin forcemment), quant à nimby, l'appelation a été inventée pour les zones residencielles middle-class de Los Angeles. L'étude sur le communitarisme de ce genre est né aussi là-bas vers 85-90. 15 ans après, ça arrive en France, normal ...<br /> Sinon, mercredi, si tu veux...
P
... sauf que ta diatribe n'est pas très convaincante, en particulier parce qu'elle fantasme une opposition bobo-boba (ces derniers - on l'aura compris - sont les bourgeois banlieusards) alors que sur le fond, il n'y a qu'une différence de revenus entre les deux : plus nimby qu'un bobo, tu meurs, preuve étant que la première chose que cette sale bête fait quand elle installe sa tanière dans une quartier coooool est de se plaindre du bruit et des "nuisances" environnantes - genre déménager dans une rue qui compte des bars ouverts tard la nuit et appeler les flics pour tapage nocturne 15 jours après... D'ailleurs puisqu'on en cause, on y va quand, se bourrer la gueule ?
E
Ça ressemble à quoi, Thiais Village ?
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