Douce nuit
J'ai honte de le dire. Mais on est allé à la Nuit Blanche avec B. Malgré les présentations sur le site qui donnaient vraiment plutôt envie de rester sous la couette à explorer nos replis mutuels.
La propagande officielle clame à tout va que c'est un grand succès populaire et que cela scelle la réconciliation entre le grand public (ie : les cochons de payants) et l'avant-garde (subventionnée par l'Etat). Ils sont gentils, à la propagande, mais si vous offrez aux gens des attractions à l'oeil, par une nuit agréable, eh bien, les gens, ils vont y aller. Un peu comme une foire aux jambons où toutes les dégustations seraient gratuites.
Prenez une classe de 6ème et imposez-lui le sujet de dissertation suivant : faites un truc avec de l'image, de la vidéo, une réflexion sur le corps. Vous avez une heure. Pas de problèmes : les gamins vont trouver tout seuls qu'il faut mettre des projecteurs, des caméras vidéos, des musiques glouglouttantes hors d'usage depuis P. Shaeffer, et des mecs qui passent devant les objectifs. Ca, c'est pour le côté interactif avec le public et la dimension corps/altérité.
Merci les enfants. A se demander pourquoi les deux pointures sorties d'on ne sait où qui ont pondu le machin ne se sont pas adressés à vous plutôt qu'aux artistes qui ont suivi le stage problématique de la déréalisation sous le règne des images à l'AFPA (3 jours).
Je vais pas encore vous faire un topo sur l'académisme d'Etat, mais bon, quand même, faut bien dire que ce n'était pas moche, que ce n'était pas scandaleux ou aberrant. C'était juste ringard. Faut dire qu'avec Girard, ex de LVMH, on ne risquait pas le talent, l'imagination, voire la transgression.
En plus, les Kebabs étaient pris d'assaut. Totale zone, en somme.
Sinon, c'etait placé sous le signe d'Ingrid Betancourt. Moi, je serais à la place des FARC, j'en ferais dans mon froc de savoir que la Nuit Blanche est placée sous le signe de I. B. D'autant qu'une partie de la coke consommée lors de cet évènement festif provient de chez eux.
Parce que, personnellement, le buzz Betancourt, il commence à me courir sur le haricot. D'abord, elle est pas française, cette femme. Elle est colombienne. Le gouvernement colombien doit apprécier que les petits branleurs bien de chez nous viennent leur donner des conseils. Ensuite, ce n'est pas une sorte de victime innocente. Elle est issue de la haute-bourgeoisie colombienne (ses parents étaient politiciens à un degré ou à un autre). C'est donc un ennemi de classe, du point de vue des FARC. Elle a de plus été candidate à l'election présidentielle de 2002. C'est donc une victime « logique » dans un pays en proie à la guerre civile. D'ailleurs, c'est en allant de son plein gré dans une zone contrôlée par les FARC qu'elle s'est faite enlever. En substance : un ennemi politique se fait enlever par ses adversaires, alors qu'il vient jouer à Jeanne D'Arc chez eux. Rien de bien extraordinaire, surtout si l'on considère ce qu'etait l'état de la Colombie à l'époque. Betancourt est au mieux une victime collatérale de la guerre civile colombienne. Mais pas si collatérale que ça.
Franchement je me demande qui s'occupe du lobbying Betancourt. Parce que, franchement, des gens dans des situations pareille, il y en a à foison. Et des vrais innocents, de surcroit. Alors pourquoi elle ? Et pas un syndicaliste emprisonné à Rangoon, par exemple ?
Sans compter que le site diffuse une idéologie à la fois douteuse et nunuche. Exemple : Tout acte de violence commis par un acteur armé contre une population civile désarmée est inacceptable et condamnable quelles que soient ces pratiques arbitraires, et quels que soient les auteurs.
Qui pourrait être contre ça ? Le faire reviendrait à être un salaud qui applaudit à chaque assassinat. Sauf que ... D'abord, I.B. n'était pas une population civile désarmée, mais un politicien, et, en tant que tel, symbole de l'oppression du point de vue des FARC. Et qu'en plus, de ce fait, elle pouvait bénéficier à un degré ou à un autre des forces de maintien de l'ordre colombiennes. Il faudrait quand même rappeller une chose : le premier acteur armé dans un pays, c'est l'état. Et quand cet état est illégitime ou qu'on l'estime tel, il est permis de prendre les armes à son tour. Même les théologiens catholiques ont admis cela il y a déjà plusieurs siècles. Bref, c'est bien beau de vouloir faire pleurer Margo, mais jouer la carte de l'ultra-conservatisme larmoyant en refusant la possibilité même de la rebellion civile, c'est un peu gros ...
Alors je me répète : c'est quoi et qui le réseau Betancourt qui a réussi à fourguer à Delanoe (par exemple) ce concept naiseux qui consiste à afficher le portrait de la grande martyre devant l'Hotel de Ville ? Il est vrai que Delanoe, question conneries symboliques qui ne mangent pas de pain ...
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