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Mémoires d'un apathique
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14 août 2007

Je radote

Yo, les kids, je vous aime (mais vous vous m'aimez pas).

Je continue avec les polars français - ou semi-froggy en l'occurence, avec Sans espoir de retour (pourtant de Samuel Fuller) que nous avons regardé pendant 20 minutes avant, qu'alertée par mes hurlements, B'. ne se décide à l'arreter. On a continué avec les Contrebandiers de Moonfleet, comme quoi les valeurs sures, y'a que ça de vrai.
Si vous voulez, ce film, c'est de la mauvaise littérature. Déjà qu'un livre soit de la mauvaise littérature, c'est grave. Qu'un film en soit, c'est dramatique.
C'est une des raisons pour lesquelles - à mon sens - le cinéma français (d'auteur - le reste est à chier) est naze. Car il est naze. Ce que les suppots du Grand Capitalisme Sino-Hexagonal de Shangols refusent d'admettre. D'abord parce qu'en France, le cinéma me semble être une extension de la littérature. Et de la mauvaise littérature, qui plus est. Les criteres des so-called critiques proviennent aussi de la littérature - toujours execrable. Le public cultivé désireux de partager les codes culturels (Attention : retour de Bourdieu et du capital symbolique !) n'est à même de décrypter una pelicula qu'en fonction des dits criteres. Et n'en retient que les signes de culture (littéraires en l'occurence). Là, c'est la vengeance de la rivalité mimétique.
Ô, pourquoi, mes burnes, martelez-vous ainsi, jeunes et moins jeunes amateurs/trices de  cinéma intimiste ?  Que connaissez-vous donc à  cette intimité, sinon  des clichés sur ce que doit être la représentation de l'intimité ? Posez-vous la question : qu'est-ce que l'intimité ? Comment peut et doit être (re)présentée l'intimité ? Avez-vous seulement la moindre idée de ce qu'est l'intimité ? Ne confondez-vous pas l'intimité et sa représentation ? Ou plutôt ses représentations éculées ? Je suis toujours assez surpris d'entendre des amateurs de cinéma intelligent fustiger les blockbusters sous pretexte qu'ils sont bourrés de clichés. Mais les histoires-de-couples-a-problemes ou d'ados-qui-ont-bien-du-mal-à-vivre en sont tout autant gavés, et jusqu'à la gueule encore. Dans le premier cas, il s'agit de clichés bourrin/gros con/redneck, dans le second, de clichés de bon gout, de clichés pour cultureux à la petite semaine. Ce qu'on ne semble pas voir, c'est que paradoxalement, le cinéma d'auteur certifié NF est un cinéma de genre, au même titre que le cinéma de zombies, de prisons de femmes ou de nonnes en chaleur. Et un genre sclérosé, de surcroit. La différence vient de ce que le premier est non seulement culturellement (et socialement) acceptable, mais aussi désirable (comme un coupé BMW, pour enfoncer le clou), alors que le second à fort à faire avec un opprobe qui tâche de partout. Quand Resnais fait des films à la fois d'une vulgarité inouie et d'une stupidité qui ne l'est pas moins, personne ne moufte. Parce que : pour que personne ne se perde dans la grande foret sombre, il a  laché un peu partout des petits cailloux, des signes (putain, que je suis lourdement explicite) qui indiquent combien sa production est digne de l'Education Nationale, donc du bien. Ce n'est pas lui qui mettrait en scène des religieuses à gros seins en porte-jarettelles. De la même façon, on ne pete pas à table. Enfin, moi.
Je ne sais jamais si je me fais bien comprendre. A tel point que je me demande si le fait que le cinéma soit une représentation - donc un ensemble de codes - est évident pour tout le monde. Ou si c'est moi qui suis paranoiaque. Ou qui force trop sur le speed. Par expérience, je sais bien que toute discussion sur ces putains de films de sa mère bascule irrémédiablement dans l'affectif, le (supposé) subjectif. Tu comprends, ça me touche au plus profond de moi-même. Mais non, gnome purulent, ca ne te touche pas, c'est purement pavlovien : tu as capté un signe d'affectivité (appris), donc tu réagis en étant touché (et comme tu as appris à l'être). Et en plus ce n'est même pas au plus profond de toi-même. Y-a-t'il au moins quelque chose en sous-sol ? Et si oui, le connais-tu ? Et de toute façon, je le répète, ce n'est pas au plus profond de toi-même, c'est partagé par 10 millions de personnes au même moment. C'est du marketing, bonhomme, du dressage, du socio-historique ; ça n'a rien  à voir avec toi.

Tu vas me dire : par définition, l'intimité est codée, et surcodée, sans quoi, on ne pourrait pas en parler ou même simplement désigner un champ de ce nom. L'intime est socialisée. L'intime est appris. Tu as raison, en partie, Bobby-Joe, je vois que tu suis, toi. L'intime est presque ce qu'il y a de moins personnel en nous, d'une certaine manière. Et peut-etre qu'il n'y a pas de différence entre l'intimité et sa représentation. L'intime par définition serait sa représentation. Le plus personnel (par opposition à intime) serait ce qu'il y a de plus amorphe, de plus evanescent, de plus inexprimable.

Où est le problème, alors ? C'est un problème esthétique. Celui de l'utilisation à outrance des clichés. Il n'y a pas qu'une représentation et une seule quel que soit ce qui est représenté. Le niveau zéro de le représentation de l'intimité, c'est Psychologie Magazine ; c'est de l'explication pour gols, du dressage par rétroaction, une apologie du statu quo, j'en passe et des meilleures. Ce niveau zéro est celui du bon sens, et en tant que tel, il a sa fonction, même s'il me fait gerber pour différentes raisons. C'est le niveau de la vie, et ajouterais-je, de notre vie dans ce qu'elle a de plus passable. Passable n'est pas ici le contraire d'heroïque ou de rebelz ou de je ne sais quelle connerie pour nietzchéen analphabète. Passable signifie : quand nous ne sommes QUE des pions interchangeables, QUE des items (sur-)socialisés, les jours de déprime, de fatigue, de faiblesse, et que nous agissons effectivement comme dans Psychologie Magazine. Ce niveau zéro ne devrait pas être le niveau de la création. Sinon à quoi bon ? La création devrait commencer au niveau 2 (le niveau 1 étant celui de la vie de qualité). Or, et pour en revenir au sujet initial, le problème du cinéma français d'auteur, c'est qu'il est sempiternellement scotché à ce niveau zéro, quoi qu'en prétendent certains critiques (dont on peut se demander s'ils ont connaissance des niveaux 1 et au dessus).

Et puis, bon, laissons de côté la théorie. Ca vous interesse, vous, les histoires de couples ? Ca vous interesserait sans votre narcissisme projeté ? Pas moi. B' ne cesse de le répéter : Rien à foutre de tout ça, ma vie est bien mieux. Et pas plus tard qu'hier, au video-club, la grande scène du II entre un homme/une femme lors du choix du DVD. Les Atrides n'étaient pas très loin. Alors, pourquoi aller au cinéma (frilosité ? Peur ? Désir de retrouver sa médiocrité (temporaire) validée ?) ?

Je vous le demande.

En mon âme et conscience.

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Commentaires
G
Juste histoire de pas être d'accord : j'aime beaucoup les films de Resnais, y compris (et peut-être même surtout) ceux que vous n'aimez pas : Melo, L'Amour à Mort, Smoking, On connaît la Chanson, Coeurs, etc. Je dis ça, c'est pas seulement pour vous mettre en colère. Je trouve qu'il y a là-dedans une sorte d'humilité assez réconfortante, à la Altman dirais-je. Maintenant, ce que j'en dis...
M
Bon pour Resnais, on est d'accord, sauf que revoir les films antérieurs à la lumière de "Mon oncle" n'incite pas à l'indulgence - Cf Hiroshima. Ceci étant, dans l'article, la référence à Resnais était purement anecdotique (un coup de latte en passant).
P
Abilot bobeli (j'aime bien aussi prononcé comme ça),<br /> <br /> D'abord bonjour aussi.<br /> <br /> Ah enfin, pas pour embêter Memapa (que je bisouille grassement au passage), mais voilà un argumentaire précis bien que concis. Il me semblait bien aussi que Resnais méritait qu'on explicite un peu.<br /> <br /> Ce qui est marrant, c'est que "Mon oncle d'Amérique" est le film à partir duquel j'ai trouvé, en effet, que Resnais devenait chiant et lourd. Mais je ne jette quasi rien de ce qu'il a fait avant. J'aime beaucoup "Providence", "Muriel", "Stavisky...", etc. "Mon oncle" est tellement lourdingue que c'en est pénible, et bien que ses meilleurs films datent d'avant cette période, je crois qu'il n'a plus jamais fait pire.<br /> <br /> Pour la période "Smoking" et "On connaît la chanson", à sa décharge, le couple infernal Bacri-Jaoui a beaucoup imprimé sa marque dans ces films. A tel point que dans le second cas, il y a eu conflit avec Resnais (ce qui arrive très rarement sur ses tournages) et que celui-ci s'est effacé devant la prétention de Jaoui de donner aux personnages un contenu que Resnais ne voulait pas y mettre. Donc ce n'est pas purement un film de Resnais. Pour ce qu'il a fait ensuite, pas grand-chose à dire, mais "Pas sur la bouche" avait un côté bizarre, impudique, que j'aime bien.<br /> <br /> La pérennité des acteurs dans ses films (maintenant on est d'accord ou non, on aime ou non, mais c'est ainsi que ça fonctionne) est due au modus operandi très particulier de Resnais : l'importance du travail d'équipe, d'atelier. Les équipes de Resnais ont toujours eu une grande longévité, il travaille avec les mêmes personnes depuis longtemps. Oui ce sont aussi toujours les mêmes acteurs, mais il faut comprendre ça comme un phénomène de "troupe" : troupe de théâtre, troupe de cirque (un peu de lions là-dedans, d'ailleurs, ça ne serait pas mal).<br /> <br /> Et puis Darry Cowl en concierge...<br /> <br /> >>> Sinon, je ne pense pas que le problème soit de traiter de l'intime, mais plutôt de le traiter comme une généralité (cf. processus d'identification) plutot qu'une singularité.<br /> <br /> C'est exactement ce que je voulais dire.
A
Ptipois (bonjour au fait)<br /> >>Pourrais-tu développer sur ce que tu reproches à Resnais, par exemple ? J'ai du mal à comprendre.<br /> <br /> Je ne réponds pas pour memapa. J'aime beaucoup Resnais jusqu'à en gros "Mon Oncle d'Amérique". Muriel, l'Année dernière à Marienbad, Hiroshima, et même Providence (me fait penser un peu à du Visconti celui-là, d'où une certaine répugnance, quand même) sont des merveilles(*). D'ailleurs j'ose ici dire que j'aime Duras et ses adaptations au cinéma (même "le camion" qui me fait autant rigoler qu'une série Z indonésienne).<br /> <br /> Mais depuis Mon Oncle d'Amérique, Resnais est terriblement lourd. Symbolisme à deux balles, jeux intellectuels pathétiques (smoking/no smoking, faut pas déconner quand même, c'est du sous livre dont vous êtes le héros. Je préfère l'Ironie du sort, dans le genre), adaptations tâcheronnes de mauvaises pièces anglaises (le goût de Resnais pour le théâtre anglais de merde est aussi surprenant que celui de Chabrol pour les polars anglo-saxons de merde. Dans les deux cas ils ont l'embarras du choix et ils ne prennent que le fond du panier), acteurs insupportables (revoir toujours les mêmes de film à film fait beaucoup pour l'exaspération devant un certain cinéma français. Resnais c'est Arditi-Azéma-Wilson, Honoré et compagnie c'est Garrel-Duris-Sagner, etc. J'en peux plus de les voir ces gens-là) et surtout blanc-seing systématique de la critique.<br /> <br /> Sinon, je ne pense pas que le problème soit de traiter de l'intime, mais plutôt de le traiter comme une généralité (cf. processus d'identification) plutot qu'une singularité.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> (*) Je dois aussi avouer que je ne peux faire autrement qu'aimer un film dans lequel joue Delphine Seyrig. Peut-être que je trouverais formidable un mash-up où on remplacerait Azéma par Seyrig dans toute la production récente de Resnais.
C
Ce qui serait intéressant si j'étais pas une gwosse limace, ce serait de faire un corpus sur le CFI, genre Rhomer et l'autre, là, Claire Denis avec Vendredi soir (une des rares séances où je sois sorti avant la fin).<br /> <br /> Mettre sur la table, constater les quelques qualités objectives, et démontrer le côté "faux bon goût" par le manque d'imagination, de choix narratif...<br /> <br /> Pourquoi tant de réaction ? De ma part, c'est que je suis d'accord, mais que j'attend plus imparable dans ce genre d'attaque. <br /> <br /> Et oui, le goût est apris, c'est pas Bourdieu qui dira le contraire. Mais justement, je me réclame du sens critique, de l'observation, pour déjouer ma propre grille de lecture, mes propres affects programmés. Savoir en jouir "en conscience", et pas juste parce que mon goût est dans ma nature.
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