Je radote
Yo, les kids, je vous aime (mais vous vous m'aimez pas).
Je continue avec les polars français - ou semi-froggy en l'occurence, avec Sans espoir de retour (pourtant de Samuel Fuller) que nous avons regardé pendant 20 minutes avant, qu'alertée par mes hurlements, B'. ne se décide à l'arreter. On a continué avec les Contrebandiers de Moonfleet, comme quoi les valeurs sures, y'a que ça de vrai.
Si vous voulez, ce film, c'est de la mauvaise littérature. Déjà qu'un livre soit de la mauvaise littérature, c'est grave. Qu'un film en soit, c'est dramatique.
C'est une des raisons pour lesquelles - à mon sens - le cinéma français (d'auteur - le reste est à chier) est naze. Car il est naze. Ce que les suppots du Grand Capitalisme Sino-Hexagonal de Shangols refusent d'admettre. D'abord parce qu'en France, le cinéma me semble être une extension de la littérature. Et de la mauvaise littérature, qui plus est. Les criteres des so-called critiques proviennent aussi de la littérature - toujours execrable. Le public cultivé désireux de partager les codes culturels (Attention : retour de Bourdieu et du capital symbolique !) n'est à même de décrypter una pelicula qu'en fonction des dits criteres. Et n'en retient que les signes de culture (littéraires en l'occurence). Là, c'est la vengeance de la rivalité mimétique.
Ô, pourquoi, mes burnes, martelez-vous ainsi, jeunes et moins jeunes amateurs/trices de cinéma intimiste ? Que connaissez-vous donc à cette intimité, sinon des clichés sur ce que doit être la représentation de l'intimité ? Posez-vous la question : qu'est-ce que l'intimité ? Comment peut et doit être (re)présentée l'intimité ? Avez-vous seulement la moindre idée de ce qu'est l'intimité ? Ne confondez-vous pas l'intimité et sa représentation ? Ou plutôt ses représentations éculées ? Je suis toujours assez surpris d'entendre des amateurs de cinéma intelligent fustiger les blockbusters sous pretexte qu'ils sont bourrés de clichés. Mais les histoires-de-couples-a-problemes ou d'ados-qui-ont-bien-du-mal-à-vivre en sont tout autant gavés, et jusqu'à la gueule encore. Dans le premier cas, il s'agit de clichés bourrin/gros con/redneck, dans le second, de clichés de bon gout, de clichés pour cultureux à la petite semaine. Ce qu'on ne semble pas voir, c'est que paradoxalement, le cinéma d'auteur certifié NF est un cinéma de genre, au même titre que le cinéma de zombies, de prisons de femmes ou de nonnes en chaleur. Et un genre sclérosé, de surcroit. La différence vient de ce que le premier est non seulement culturellement (et socialement) acceptable, mais aussi désirable (comme un coupé BMW, pour enfoncer le clou), alors que le second à fort à faire avec un opprobe qui tâche de partout. Quand Resnais fait des films à la fois d'une vulgarité inouie et d'une stupidité qui ne l'est pas moins, personne ne moufte. Parce que : pour que personne ne se perde dans la grande foret sombre, il a laché un peu partout des petits cailloux, des signes (putain, que je suis lourdement explicite) qui indiquent combien sa production est digne de l'Education Nationale, donc du bien. Ce n'est pas lui qui mettrait en scène des religieuses à gros seins en porte-jarettelles. De la même façon, on ne pete pas à table. Enfin, moi.
Je ne sais jamais si je me fais bien comprendre. A tel point que je me demande si le fait que le cinéma soit une représentation - donc un ensemble de codes - est évident pour tout le monde. Ou si c'est moi qui suis paranoiaque. Ou qui force trop sur le speed. Par expérience, je sais bien que toute discussion sur ces putains de films de sa mère bascule irrémédiablement dans l'affectif, le (supposé) subjectif. Tu comprends, ça me touche au plus profond de moi-même. Mais non, gnome purulent, ca ne te touche pas, c'est purement pavlovien : tu as capté un signe d'affectivité (appris), donc tu réagis en étant touché (et comme tu as appris à l'être). Et en plus ce n'est même pas au plus profond de toi-même. Y-a-t'il au moins quelque chose en sous-sol ? Et si oui, le connais-tu ? Et de toute façon, je le répète, ce n'est pas au plus profond de toi-même, c'est partagé par 10 millions de personnes au même moment. C'est du marketing, bonhomme, du dressage, du socio-historique ; ça n'a rien à voir avec toi.
Tu vas me dire : par définition, l'intimité est codée, et surcodée, sans quoi, on ne pourrait pas en parler ou même simplement désigner un champ de ce nom. L'intime est socialisée. L'intime est appris. Tu as raison, en partie, Bobby-Joe, je vois que tu suis, toi. L'intime est presque ce qu'il y a de moins personnel en nous, d'une certaine manière. Et peut-etre qu'il n'y a pas de différence entre l'intimité et sa représentation. L'intime par définition serait sa représentation. Le plus personnel (par opposition à intime) serait ce qu'il y a de plus amorphe, de plus evanescent, de plus inexprimable.
Où est le problème, alors ? C'est un problème esthétique. Celui de l'utilisation à outrance des clichés. Il n'y a pas qu'une représentation et une seule quel que soit ce qui est représenté. Le niveau zéro de le représentation de l'intimité, c'est Psychologie Magazine ; c'est de l'explication pour gols, du dressage par rétroaction, une apologie du statu quo, j'en passe et des meilleures. Ce niveau zéro est celui du bon sens, et en tant que tel, il a sa fonction, même s'il me fait gerber pour différentes raisons. C'est le niveau de la vie, et ajouterais-je, de notre vie dans ce qu'elle a de plus passable. Passable n'est pas ici le contraire d'heroïque ou de rebelz ou de je ne sais quelle connerie pour nietzchéen analphabète. Passable signifie : quand nous ne sommes QUE des pions interchangeables, QUE des items (sur-)socialisés, les jours de déprime, de fatigue, de faiblesse, et que nous agissons effectivement comme dans Psychologie Magazine. Ce niveau zéro ne devrait pas être le niveau de la création. Sinon à quoi bon ? La création devrait commencer au niveau 2 (le niveau 1 étant celui de la vie de qualité). Or, et pour en revenir au sujet initial, le problème du cinéma français d'auteur, c'est qu'il est sempiternellement scotché à ce niveau zéro, quoi qu'en prétendent certains critiques (dont on peut se demander s'ils ont connaissance des niveaux 1 et au dessus).
Et puis, bon, laissons de côté la théorie. Ca vous interesse, vous, les histoires de couples ? Ca vous interesserait sans votre narcissisme projeté ? Pas moi. B' ne cesse de le répéter : Rien à foutre de tout ça, ma vie est bien mieux. Et pas plus tard qu'hier, au video-club, la grande scène du II entre un homme/une femme lors du choix du DVD. Les Atrides n'étaient pas très loin. Alors, pourquoi aller au cinéma (frilosité ? Peur ? Désir de retrouver sa médiocrité (temporaire) validée ?) ?
Je vous le demande.
En mon âme et conscience.