Les aventures formidables du rien
Aujourd'hui, je vais parler de ma vraie vie, sans affeteries et sans les accents comme d'habitude. C'est parait-il ce qui interesse les gens, et cela représente une vraie exigence d'authenticité. C'est risqué.
Comme par exemple, celle-ci qui a rêvé d'une baise vaginale et non clitoridienne. Moi, personnellement, j'ai rêvé de A., cette nuit, rien de scabreux, je vous rassure tout de suite. Elle avait simplement les cheveux courts et blond vénitien ; quant à moi, je déambulais sans cesse en peignoir de bain, celui qui est orange et qu'une personne sans coeur a traité de peau de Casimir.
L'important est d'avouer.
Et j'avoue que je repousse sans cesse certaines activités sous un pretexte fallacieux.
Comme aller chez le dentiste.
Cela fait plusieurs semaine que je dois y aller. En fait depuis le moment où une de mes dents sur pivot est partie dans une folle étreinte avec un chewing-gum. Dent précédemment refixée par cet escroc. Et une autre qui ne demande qu'à aller voir comment est le vaste monde. Et cette dernière est juste devant, une vigoureuse incisive qui en cas d'absence prolongée me donnera un air un peu très moche.
La molaire prise en flagrant délit de désertion est désormais assignée à résidence dans un verre. Pour que je la retrouve et du fait que je n'arrive pas à la remettre, même de manière approximative. Sans risque d'ailleurs que je l'avale par erreur, puisque, de toute façon, je bois à la bouteille. L'eau, pas les boissons d'homme. Et c'est pitié que de contempler ce triste morceau de porcelaine forgée, immergée, comme un galion coulé par de féroces flibustiers.
Oui, je sais, je tire à la ligne. Mais c'est tout de même une purge, ce que je m'inflige, là.
Mais je serai courageux.
Très courageux.
Mais vraiment très courageux. Et j'arreterai de lirer à la ligne.
Je sais bien que craindre d'aller chez le dentiste n'a rien d'une folle et pétulante originalité. Mais là, il s'agit de prothèses, ça fait même pas mal !
Donc, pour être sûr, ou du moins pour me donner une chance, d'y aller chez le praticien, j'ai fixé un panneau de liège au mur, avec des petites punaises, et, justement, l'une d'elle soutient une liste de chozafères. Il y a en particulier (allez, faites un effort !) Aller chez le dentiste.
Maintenant, je ne peux ignorer que je dois aller chez le dentiste. Sauf que j'évite de jeter un coup d'oeil en direction du panneau de liège.
En ces présentes minutes, je suis en train de me raconter que je ne peux téléphoner avant 14 heures, parce qu'il est parti manger une pizza reine, ce brave homme.
Et je me dis que décidemment, la prose intime ou supposé l'être, la description du quotiden, ça me fait over-chier les burnes, malgré un effort stylistique méritoire pour essayer de balancer en douce quelques piments dans cette purée-jambon.
Sans compter qu'il me reste une douzaine de feuilles de sécu à remplir et envoyer, mais ça, je vais vous l'épargner, et surtout à moi, en fait.