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Mémoires d'un apathique
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5 juillet 2006

Drame familial

Tu veux me voir, fiston ? Ah mais pas de problèmes, moi je suis pour les discours entre les générations, comme disent les vieux cons, ha ha ha ! Tu veux me dire quoi ? De ce que tu vas faire après le bac ? Oui, oui, tu l'as eu avec mention, ta mère et moi en sommes très fiers et j'ai dit à cette occasion que tout ce que voulais, tu l'aurais. Dans les limites du raisonnable, bien sûr. Ha ha ha ! J'ai lu dans le Nouvel' Obs' que tous les jeunes maintenant ont un iPod ; c'est ça que tu veux ? Tu en as déjà un ? Depuis 2 ans ? Ben tu sais, ton pauvre père est quand même un peu has-been, ha ha ha ! Tu veux me parler des études que tu veux faire ? De mon temps, on n'était pas aussi sérieux ; on faisait la bringue, on tombait les filles, on se torchait pas mal, c'était un autre monde. Ah, on se torche aussi de nos jours ? Ah là là, j'arrive pas à suivre l'actualité, tout va trop vite .... Bon, alors, tu veux faire quoi dans la vie ? (........) Ecoute ... Tu m'aurais annoncé drag-queen, zombie, junkie, même publicitaire, j'aurais rien dit, et je t'aurais même encouragé. Oui, même publicitaire. Mais là ... Sans rire, qu'est-ce qui te fascine dans le journalisme ? Ne me dis pas que tu veux jouer à Albert Londres, parce qu'en vrai, ça ne se passe pas comme ça. Je ne me suis pas saigné aux 4 veines pour que mon fils devienne un lêche-cul analphabète. Non parce que tu veux faire quoi ? Hein ? Bosser 252 ans comme pigiste avant de faire les chiens écrasés de Ouest-France, édition de Guingamp ? Et puis j'ai pas envie que tu perdes le peu de vocabulaire que l'Education Nationale a réussi à te faire entrer dans la cervelle. Tu sais ce qu'on faisait aux collabos à la Libération ? Comment ça, arrêter mon cirque ? Quoi Bourdieu ? Pourquoi tu me parles de lui, tu ne l'as jamais lu ... Effectivement tu es bien parti pour être journaliste ... Sois un peu sérieux, et explique-moi ce qu'il y a de fascinant à recopier des dépêches AFP ou dans le meilleur des cas ce que tes collègues ont pondu en utilisant la même méthode. Y'a bien assez de perroquets comme ça. Voyez-vous ça ... Monsieur veut oeuvrer dans les Grands Journaux ... Mazette ... je te signale que les Grands Journaux sont juste la caisse de résonance des pets du proprio. Même July s'est fait viré, alors ... Tiens regarde ce qu'il y a dans mon journal de référence. Oui, oui, lis l'édito. T'as vu ? Quelle prose ! A côté de ça, Paul Guth passe pour Malcom Lowry. Hein ? C'est des écrivains. J'oublie toujours que les journalistes sont des monstres de culture. Hé ho, arrête, avec la culture élitiste que tu veux battre en brèche. J'ai sorti les mêmes conneries il y a 20 ans, et maintenant, on se retrouve avec Claire Chazal pour la Grand Messe. A la télé ? C'est à la télé que tu veux bosser ? T'as une admiration sans borne pour les petits chefs incompétents ? Tu rêves de rencontrer des blondasses à gros seins et au QI à un chiffre ? Alors là, non ! Tu aurais pu faire n'importe quoi après ton bac, même du marketing, mais l'idée que mon fils fasse le gracieux avec un vocabulaire de 200 mots, des idées trouvées sous un chewing-gum, le tout avec la vraie prétention des analphabètes arrivés, et bien, là, je dis non ! Et tu vas commencer par répondre autrement à ton père ! J’aurais préféré que tu sois nazi, tiens ! Encore qu'on puisse être nazi et journaliste. Petit con, va ! On l'élève, on le nourrit, on essaie de lui inculquer quelques valeurs minimales, et le voilà qui trépigne à l'idée d'enconner la population en hurlant avec les loups. Ta gueule ! Si t'es pas content, tu prends la porte ! Et d'ailleurs, tu la prends tout de suite la porte, je te renie, fils indigne !

(La mère entre, en larmes et essaie de convaincre son mari de ne pas commettre l'irréparable. A genoux, elle plaide la cause du fils qui ne sait pas ce qu'il fait, ce sont de mauvais camarades qui l'ont entraîné sur le chemin de la drogue. Il n'est pas dans son état normal, il faut lui donner une chance)

Rien du tout ! Qu'elle dégage, cette répugnante punaise. Ma pauvre femme, tu as engendré un monstre, et nous l'avons élevé dans notre foyer, inconscients que nous étions. Hors d'ici ! Disparaît de ma vue ! Je te renie ! Je te déshérite ! Je te maudis jusqu'à la 13ème génération ! Vade retro !

(Le fils sort en claquant la porte. le serviteur bossu apparaît, remontant de la cave, en grignotant une chauve-souris tandis qu'un orage titanesque se déchaîne dehors).

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