Plat, c'est beau ; épais, c'est laid
Je l'ai déjà dit ici même, l'homéopathie, j'y crois autant qu'à la venue d'un type en traineau tiré par des rennes le 24 décembre. J'ai même réussi à convaincre B'. N'étant pas un true believer, et ne se sentant pas agressée par la remise en cause d'un dogme fondamental, elle a accepté de discuter et a finit par admettre la justesse de mon point de vue. Ce qui ne l'empêche pas de continuer d'utiliser les petites granules Boiron pour des raisons qu'on verra plus loin.
Les deux premiers arguments contre l'homéopathie sont connus et même archi-connus, mais il est bon de les rappeler :
- La matière est discontinue. Cela signifie qu'au delà d'une certaine dilution, il ne reste plus une seule molécule de substance active dans l'eau (plus exactement il en reste une dans un récipient et 0 dans les n-1 autres). Sans même atteindre ces dilutions extrêmes on ne voit pas comment d'aussi faibles quantités de substance active pourrait avoir le moindre effet. Et ce n'est pas la nébuleuse théorie Hahnemannienne qui risque de me convaincre. D'autant qu'on est en présence d'une théorie canada-dry qui se présente comme une théorie explicative de type scientifique, comme on se les représentait au XVIIIème siècle - tous les illuminés ne peuvent s'empêcher de faire référence à la « vraie » science, comme quoi le paradigme dominant reste le même.
- Aucun test empirique n'a jamais prouvé l'efficacité de l'homéopathie. En gros : quand c'est Boiron qui les commandite, ça marche, sinon, non. D'ailleurs, comme le livre dont il va être question le fait justement remarquer, définir un protocole expérimental placebo vs homéopathie est une vraie horreur et n'est jamais à l'abri de biais insoupçonnés
Mais le plus intéressant vient de ce qu'il existe une explication nettement plus satisfaisante aux guérisons observées dans le cadre de l'homéopathie, et, ainsi que vous l'avez deviné, il s'agit de l'effet placébo.
Pour une raison que je ne m'explique pas, le placébo a mauvaise presse. Il sous-entendrait que le malade n'est pas vraiment malade, voire hystérique, qu'il est un simulateur, un tire au cul ou un hypocondriaque.
Il n'en est rien.
Le placébo ne parait pas sérieux. les divagations de Hahnemann, si. Allez comprendre ...
Jusqu'à présent, je pensais que l'effet placébo était effectivement une méthode de traitement réservée, sinon aux hypocondriaques, du moins aux maladies fonctionnelles ou bégnines (rhumes, angines, colopathies, ...).
Pas du tout.
Dans son passionnant petit bouquin, Le mystère du placébo (pour une fois, un bon livre chez Odile Jacob), P. Lemoine, remet les pendules à l'heure. Non seulement le placébo n'est pas réservé aux « fausses » maladies, mais sa puissance thérapeutique est assez stupéfiante. Par exemple, en post-opératoire, en test contre de la morphine, il atteint des résultats proches de 40%. Ce qui laisse un peu sur le cul.
Virtuellement, n'importe quelle maladie est susceptible d'être traitée via le placébo.
En fait, il s'agit d'un phénomène réellement fascinant, qui, à terme, pourrait permettre de soigner sans médicaments (aux effets secondaires parfois génants). Ce n'est malheureusement pas pour tout de suite.
Déjà pour commencer, et contrairement à une idée reçue, le placébo marche très bien sur les enfants, les nourrissons et les animaux domestiques (en passant de la simple vaseline sur la peau d'un chien atteint d'éczéma, on obtient des résultats qu'envierait n'importe quel laboratoire fourgueur de saloperies).
Ensuite, il y a l'effet nocébo. A savoir que les gens qui prennent un placébo à la place d'un médicament X peuvent ressentir les effets secondaires de X.
Suggestion et auto-suggestion. Donc travail (inconscient et peut-être semi-inconscient) du patient et du praticien (on l'espère, conscient).
Lemoine insiste bien sur le côté quasi-magique et rituel de l'opération : le médecin est un sorcier moderne : il est impératif qu'il accomplisse tous les rites (écoute attentive du malade, écriture d'une ordonnance - de préférence illisible, qu'il faudra amener au pendant du sorcier - le pharmacien). Si ces rites ne sont pas accomplis, pas d'effet placébo. Comme il le rappelle lui-même, en Afrique, certaines ethnies n'acceptent la médication que si le sorcier a craché dessus, c'est un autre rite socio-culturel de guérison, et il a du s'y plier.
Au stade où il en est, Lemoine est en train de tester sur des patients volontaires des prises de placébos désignés comme tels. On voit les perspectives qui pourraient s'ouvrir à la médecine - si elle n'était pas chasse gardée des grands groupes pharmaceutiques (au passage : Boiron est un groupe pharmaceutique).
Si, via le placébo, on peut obtenir parfois des rémissions, voire des guerisons dans le cas de maladies dégénératives (cancers et autres), il faut bien admettre que quelque part, quelque chose remet le corps en état à partir de la suggestion ou de quelque chose d'apparenté, donc en partie depuis le cerveau ou sa périphérie. On a là une illustration de ce qu'on appelle pompeusement la méthodologie scientifique : quelque chose (on ne sait pas quoi) dans certaines conditions (on ne sait pas lesquelles) guérit les patients. Le fait est indubitable ; il y a une explication ; ne reste qu'à la trouver.
Au final, si B'. utilise encore les granules, c'est qu'elle considère que, en matière que placébo, on n'a jamais rien fait d'aussi bien que l'homéopathie : des dizaines de spécialités aux noms ronflants (donc respectant le rituel), qu'on peut mélanger, doser, avec une méthode de prise particulière, en l'occurence sublinguale (toujours le rituel) et avec lesquelles le patient peut sembler avoir trouvé LE médicament adapté à son cas.