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Mémoires d'un apathique
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4 août 2008

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L'astuce est de traverser, dans un sens puis dans l'autre : les voitures qui se trouvent à l'arrêt - à cause du feu - ne sont jamais les mêmes, et personne ne peut deviner que je passe mon temps à emprunter le passage clouté alternativement ouest-est et est-ouest. Que je fais le guet. Que je profite de ces quelques pas pour jeter un coup d'oeil aux portières de la première rangée.
Il faut que la bagnole soit d'un modèle déjà ancien, sans condamnation centralisée, ni ce bouton - généralement devant le changement de vitesse - qui permet de tout verrouiller d'un petit mouvement du doigt. Sans compter - évidemment - que le conducteur doit être une conductrice. Toutes ces conditions sont rarement réunies ; je peux donc y passer des heures.
L'idée est de rentrer dans la voiture au moment où le feu va passer au vert, côté passager, et de menacer la femme avec le pistolet d'alarme. Personne ne va vérifier qu'il s'agit bien d'une arme authentique, par exemple en examinant le canon pour y déceler ce qui le bouche - ce qui  permet le réarmement par emprunt aux gaz. Les gens paniquent : vous pourriez les braquer avec une banane qu'ils vous obéiraient tout de même sans protester.
Ensuite, il s'agit de la forcer à me conduire jusqu'à un endroit désert, terrain vague en proche banlieue ou zone commerciale fermée un dimanche. De la menotter au volant, une fois sur place. Pas pour la violer. Non. Cinq ans sous Anafranil et votre bite n'est plus qu'un souvenir - ou plutôt ses fières érections. Pas non plus pour la tabasser à mort, comme un serial-killer lambda. Encore que je pourrais estimer en avoir le droit.
Juste pour qu'elle me raconte sa vie, son mari, ses enfants, son boulot. Ce genre de trucs. Fouiller son sac à main et/ou son portefeuille peut m'aider à la lancer sur la bonne piste. Après avoir attendu qu'elle ait fini de pleurer ou de hurler sur le parking désert - bien entendu.
Mais je ne le ferai pas : quand je songe à la terreur qui pourrait s'emparer d'elle - ou plutôt d'elles, l'angoisse s'installe dans ma poitrine et y fore ses petits trous sanguinolents. Alors je me contente de traverser dans un sens, puis dans l'autre, de regarder les jolies femmes au volant, les jolies femmes inconscientes qui ne pensent pas à verrouiller la portière côté passager.

Spéciale dédicace to C. Nolan.

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Commentaires
M
Merci à tous les deux ! Sinon, c'est aussi un hommage et un pastiche du premier film de Christopher Nolan (d'où le titre).<br /> <br /> Mlle Plume> Bien sur que ça ne me dérange pas.
M
Ca fait quelques temps que je te lis et j'aime beaucoup ton style et ta pertinence... Je t'ai ajouté en lien sur mon blog, dis moi si ça te dérange !
P
juste grandiose. Idée et écriture.
Mémoires d'un apathique
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