Premiers souvenirs au milieu
Bonjour mes frêres, le messie est revenu. Avec sa putain de
valise Delsey qui pèse 3 tonnes. Ce qui m'a mis de super mauvaise humeur,
d'autant qu'il pleuvait à Paris alors qu'à Beijing (Pékin), il ne tombe pas une goutte en cette saison. Ajoutez à cela un incident des plus honteux que je
raconterais peut-être un jour que je me serais envoyé toute une bouteille de
Macallan 100.
Je ne sais pas comment vous dire ... Je suis un être renfermé, qui n'aime pas
les contacts, qui répugne à un tas de choses en société, en fait à peu
près tout (mais je cache bien mon jeu). Pourtant, je ne me sens chez moi que
dans les GRANDES villes (minimum 1 million d'habitants). Pourtant j'habite dans
un des quartiers les plus populeux et les plus cosmopolites de la capitale.
Pourtant je ne sors que rarement de chez moi, mais j'ai besoin de cette
présence dehors, ce monde bigarré et ses virtualités infinies. Comme quand je
suis à la campagne : je reste en général à l'intérieur à bouquiner, mais
j'adore savoir que la campagne est là, dehors. Que les arbres, les bestioles,
le ciel sont là. Par contre, aller faire des promenades saines et agrestes me
fait chier au delà du possible.
Et donc, toujours mû par ce besoin de paradoxe, j'adore aller dans les pays
étrangers où je n'adresse jamais la parole à qui que ce soit, je jubile à me
fondre dans de nouveaux décors. Et ce que je préfère, ce sont les VILLES.
Evidemment, j'y vais en solitaire ou en duo, j'abhorre les voyages organisés et ses hordes de vieux
cons en autocars.
B'., je ne sais pourquoi, a des amis sur toute la planête. A
Mexico par exemple. En l'occurence, c'était Beijing. En plus, B'. est une super
mascotte : avec ses grands yeux bleus d'héroine de manga et son radieux sourire
de petite fille, tout le monde l'adore, et même l'étranger le plus exotique
fond en sa présence. Comme je suis le vilain pas beau qui fait la gueule, c'est
plutôt une bonne chose.
Commençons par le commencement : Beijing est pleine de chinois. Ca n'a l'air de
rien comme ça, mais on appréhendait un peu ; parce que jusqu'alors on avait ou
je n'avais été que dans des pays de blancs ou de grosso-modo-blancs. Des endroits
où l'on ne faisait pas trop tâche. Où l'on pouvait passer à la rigueur pour des
autochtones tant qu'on n'ouvrait pas la bouche. Beijing, ç'allait être
fortement différent. Ok, j'étais en janvier à Bangkok, mais drivé par S., je
n'avais pas senti de malaise, en plus il faisait chaud, j'étais comme un chat
apathique à me promener sans trop faire attention. Et puis, il y avait un autre
élement dont je reparlerais plus loin. Mais Beijing, je ne le sentais pas bien
a priori ...
En fait, on s'habitue très vite. Ou je m'habitue très vite, je ne sais pas. Si
on veut Beijing, c'est comme le chinatown du XIIIème, mais tout le temps. Pas
de quoi fouetter un chat. A vrai dire, en moyenne, j'ai trouvé les chinois très
beaux, les traits fins, plus polis, plus lustrés, comme des galets, sans
aspérités disgracieuses. D'ailleurs, les rares occidentaux que je croisais
étaient moches à pleurer, avec leur gros tarin et leur visage comme mal formé
à grands coups dans de l'argile rose. Bizarrement ce sentiment de
l'européen-sale-gueule m'a passé dès mon retour en France ; question de
contraste sans doute ... Et quand je dis les chinois, c'est très con ...
Il y a plein de sortes de chinois : ceux du sud sont plutôt petits et
rondouillards, ceux du nord plutôt grands avec des traits mongols plus
prononcés. Sans compter les coréens, nombreux à Wudaoku. Dans cette capitale,
comme dans toutes les capitales, viennent se croiser les flux de toutes les
provinces qui donnent une merveilleuse mosaIque ethnique. Les femmes mandchoues
sont sublimes, si vous voulez le savoir. Et même si vous ne voulez pas le
savoir.
Mais il y a un gros mais. Non seulement les pékinois parlent une langue imbitable. Non seulement ils ont une écriture démoniaquement incompréhensible (et le pinyin, c’est quand ils le sentent). Mais surtout, les pékinois ne parlent pas anglais. Quand je dis parler, j’entends baragouiner un vocabulaire de 200 mots. Comme à Bangkok. Donc … Macache, zéro pour comprendre et se faire comprendre. Rien de rien … Et ça, c’est un peu minant … Les trois jours d’explications de texte de P. qui nous attendait sur place n’ont pas été de trop. P. est un chinois de France qui étudie le chinois sur place. Plus exactement le mandarin. P. parlait le dialecte de sa province (une variété de cantonais si j’ai bien compris), et surtout ne lisait pas (et évidemment n’écrivait pas) les idéogrammes. Que P. soit ici remercié pour nous avoir mis le pied à l’étrier. Maintenant je sais dire :
- mi hao (bonjour)
- papai (au revoir)
- sié sié (merci)
- douo chao cien ? (combien ça coute ?)
- mi fan (riz blanc)
et compter jusqu’à 9999.
Par contre cette feignasse de B’. n’a pas fait l’effort de
lire le pinyin. Et dieu sait le nombre de fois qu’on a fait le changement de la
mort qui tue à Xizhimen et qui se
prononce en gros Sidjeumènne ; elle aurait du finir par le savoir tout de même
…
Alors que raconter de Beijing ? Tellement de choses … Mlle
F. avait raison : la ville est moche dans l’ensemble. Des buildings
construits n’importe comment, n’importe où, des avenues à 2 fois 4 voies un peu
partout, un bordel anarchique très nouveau riche et tape à l’œil. Bien sûr, il
y a les incontournables touristiques comme la Cité Interdite, mais
ce sera l’objet d’un autre article. Evidemment, tout aussi touristique (mais en
un peu plus décalé), les hutongs qui interviendront dans un autre post.
Alors que me reste-il au final de Beijing ? Une macédoine de sensations, de souvenirs et d’impressions fugaces …
- Le fight for your life quand il s’agit de traverser une avenue
- Le marché où je faisais sensation et marrer les autochtones en marchandant en mandarin
- La gentillesse des habitants à laquelle je n’étais pas préparé
- Les milliers d’endroits pour bouffer, les galettes de blé fourrées aux légumes, les brochettes, et les trucs qui emportent la gueule sans prévenir.
- Les usagers du métro qui courent dans les wagons pour choper les (rares) places assises
- Le salon de massage plantaire auquel on accédait en passant à travers la boutique d’un coiffeur, puis en montant un escalier de service dehors et P. qui se demandait si on n’était pas tombés dans un boxon
- Le mausolée de Mao et son interminable file mouvante
- Les mecs en uniformes 3 tailles trop grands, omniprésents et à l’utilité mal définie
- Le taxi au black pour aller à une portion de la Grande Muraille moins courue par les hordes de tour-operators
- Le sport national, à savoir cracher par terre en émettant d’abord un puissant raclement de gorge, et B’. horrifiée quand je lui montrais que je savais le faire aussi
- Le Jurassic Park avec ses dinosaures animés au musée d’histoire naturelle
- Les mecs qui vendent à la sauvette à tous les carrefours des DVD à 5 yuans (50 cents) dans des petites valises et les hallucinantes fautes de frappe sur les pochettes des blockbusters prétendument américains.
- Les haut-parleurs un peu partout et leurs propriétaires qui gueulaient tant et plus pour vanter leur marchandise
- Les autochtones qui faisaient leurs dévotions au temple des lamas alors que passaient des groupes de touristes danois précédés du guide local levant bien haut le drapeau de leur pays pour qu’ils ne se perdent pas
- La lumière qui s’allume dans la cage d’escalier en claquant des mains
- Les poissons frétillant mollement dans des bassines d’eau croupie à ce mini-marché entre deux blocs d’immeubles
- Les filles qui se promènent en couple bras dessus bras dessous
- Le tas de piments en train de sécher dehors sur les marches d’un escalier d’une cité HLM
- Les supermarchés foutus n’importe comment
- Les égouts qui refoulent en permanence