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Mémoires d'un apathique
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3 avril 2009

Isabelle

Elle s'appelait Isabelle.
Etait Franco-Argentine.
Une des ces femmes trop sexy pour être vraies, au verbe haut, à l'aplomb inébranlable et aux tenues pétaradantes.
Son père était un ancien de la division Charlemagne.
Il l'a violé alors qu'elle avait 6 ans.
Son vagin en a été déformé pour le restant de ses jours.
Elle passait de son rôle de femme-fatale à celui de proie des Erinyes en quelques minutes ; son corps se recroquevillait alors comme si un crustacé la dévorait furieusement de l'intérieur.
Son corps d'ex-mannequin s'affaissait, les larmes le faisait enfler, elle cherchait à se cacher dans l'ombre, mais, au grand jamais, elle ne se serait laisser aller à se plaindre.
Son monde était une plantation de barbelés en perpétuelle floraison.
Elle envoyait sur mon lieu de travail des petits paquets amoureusement enveloppés qui contenaient de la tripaille de mouton qu'elle achetait chez le boucher et qu'elle expédiait vers minuit de la poste du Louvre.
Le Colosse hiératique de la souffrance qui emplissait, panoptique, l'intégralité du champ de vision.

Elle s'appelait Isabelle. Tout secours était vain et tout particulièrement le mien. Quand mes propres veines charriaient des copeaux de métal, elle ruisselait sur le sol comme une fontaine a demi-coagulée. C'est avec elle que j'ai appris qu'il y a des gradations dans la souffrance, que les bobos - à l'âme ou ailleurs - ne sont que des bobos et qu'il y a trop souvent usurpation.

La moindre de ces usurpations est une insulte à sa mémoire, à ses petits gestes affolés lorsqu'elle se sentait envahie par la panique, à ses mutilations, à chacune de ses journées érigées en agonie quotidiennement différée.

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