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Mémoires d'un apathique
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28 janvier 2009

Eyeless in Gaza (Pourquoi la gauche est mal barrée, I)

Ce pourrait être le premier article d'une série : « Pourquoi la gauche est mal barrée ».
Ce sera - au moins - un article né d'une exaspération bien légitime.
Ce sera à propos des aventures de méchant Tsahal au pays enchanté de Gaza.
Ce sera sur les gentils degôches qui se font manipuler par les media - surtout quand dans le même temps ils sont prêts à croire aux délires complotistes les plus fumeux ; genre c'est la CIA qui a fait sauter le World Trade Center, offrant à Bush un prétexte pour envahir l'Irak - à coté de ça, Le Protocole des sages de Sion, c'est de la rigolade.

Revenons un peu en arrière : Tsahal - à titre de représailles - applique la méthode traditionnelle des troupes d'occupation en pays conquis, à savoir : tu tues un de mes soldats (ou un civil de mon camp, peu importe) ; je rase 20 villages alentour. Résultat : un déluge de bombes et d'obus sur les zones habitées de la bande de Gaza. Répugnant, mais rien que de très classique ; il s'est passé la même chose à Sarajevo ou à Beyrouth.

Les media ont pointé leurs objectifs sur Gaza, et Gaza est devenu un évènement. Lorsque ça massacrait par centaines de mille au Libéria et au Sierra Leone - ou de l'ordre du million en RDC, ce n'était pas un évènement. Tout le monde s'en foutait. L'Afrique, c'est pas télégénique ; la Palestine, oui. Puisque l'évènement est là, accrédité par les media, il donne lieu à de narcissiques mises en scène d'indignation fort indignée (manifestations et compagnie). Les africains peuvent crever dans la plus parfaite indifférence, ce n'est pas grave, il faut réserver son indignation pour l'exutoire monté en neige par la télé. On sent que de l'esprit critique, on en a à revendre chez les degôches ; c'est pas comme ces intellectuels arabes qui ont renvoyé dos à dos Tsahal et le Hamas, coupable à leurs yeux d'irresponsabilité, tout comme les paysans des Glières avaient eu des mots avec les résistants qui avaient envoyé la Milice foutre le feu à leurs villages. Car, le Hamas et Tsahal jouent le même jeu cynique dont la population Gazaouite est à la fois l'enjeu et la victime.

Qu'à cela ne tienne : on manifeste, on conspue les Israéliens (comme si Les Israéliens, ça existait ... C'est comme Les Palestiniens ; quoi de commun entre les réfugiés dans les camps et la bourgeoisie de Naplouse - par exemple ? ), on se fait plaisir, on prend la posture, c'est pour cela que je parlais de narcissisme. Car tout cela est objectivement inutile : c'est juste la mise en scène de soi-même, au collectif comme à l'individuel.

  • Tsahal bombarde Gaza. Les belles âmes manifestent. Tsahal s'en branle et continue de bombarder. Elle s'en fout des petites agitations à 1000 kms de là. Elle ne reculera que si le gouvernement américain - par exemple - refuse de les approvisionner en munitions.
  • La Chine occupe le Tibet. Les neuneus de Free-Tibet manifestent. La Chine s'en fout, elle sait qu'il n'y aura aucune mesure de rétorsion concrète, bien au contraire, les occidentaux sont prêts à tout pour satisfaire l'Empire du milieu.
  • Bush envahit l'Irak. Ca manifeste (again). Bush s'en fout et il continue de plus belle. Si maintenant, les ricains envisagent un retrait, ce n'est pas parce que des milliers de manifestants ont manifesté mais parce qu'ils sont objectivement dans un bourbier sans aucune issue à l'horizon.

Cette croyance en la magie de la manifestation [1] est un autre symptôme d'une gauche qui part en couille, toujours prête à mettre en branle les mêmes vieux trucs dont on sait pourtant qu'ils sont inefficaces. Mais ce sera le sujet d'un autre article.

Pour en revenir à Gaza, je ne peux être que stupéfié par les réactions pavloviennes de gens soit disants au dessus de la plèbe qui regarde TF1, mais qui s'excitent là où on leur dit de s'exciter ; certains d'ailleurs en redemandent, s'énervant parce qu'on ne parle pas assez ou plus assez de Gaza. On croit rêver. C'est le syndrome Bettancourt : alors que partout dans le monde, des centaines d'otages croupissent dans des geôles, que des paysans sont flingués par des paramilitaires, on monte un grand spectacle obscène autour d'un personnage à la légitimité douteuse (légitime en tant qu'archétype de l'Otage).

Et on en arrive au dernier point, qui me tarabuste : j'aimerais bien savoir pourquoi Israël joue toujours le rôle du Méchant Suprême (juste derrière Bush - et bientôt Obama) et les Palestiniens celui de la victime tout aussi suprême. Pourquoi un tel niveau d'indignation lorsque l'on se trouve dans cette configuration ? Pourquoi les africains massacrés au cours de guerres tout aussi interminables que confuses n'ont-ils pas droit au même traitement de faveur ?  Difficile à dire, mais il y a tout lieu de penser que si les jordaniens se remettait à attaquer les camps palestiniens sur leur territoire comme ils l'avaient fait dans les années 70, ça ne générerait pas un tel tsunami d'indignation vertueuse.

Déjà, si l'on laisse de côté l'antisémitisme, qui n'est qu'un minable « argument » pour vieux cons éditorialistes, pourquoi cette haine envers Israël ? Déception refoulée devant le fait que l'état hébreux est un état comme les autres, i.e : pratiquant la real-politik ?

Pourquoi ériger une statue de la Victime Absolue pour les palestiniens ? Parce qu'il faut une victime, des damnés de la Terre consensuels, quand en Europe la classe ouvrière a failli ? Alors, que tout de même, les dits palestiniens sont (au moins un tout petit peu) en partie responsables de ce qui arrive et leur est arrivé (ça remonte à loin : les notables palestiniens - installés à Damas ou Beyrouth - étaient trop contents - dans les années 20 - de vendre des terrains aux colons sionistes, même s'il fallait continuer à s'opposer en public à l'augmentation du nombre de juifs en Palestine - et ainsi de suite).

Je n'ai pas de réponses arrêtées pour ces dernières questions. Mais ce qui est certain, c'est que d'une part, le deux poids deux mesures me débecte et que, d'autre part, faire de la politique gagée sur les affects - et des affects construits en partie par les media - me parait très déprimant pour l'avenir de la gauche.

1 - Je parle ici de manifestations contre quelque chose se passant dans un pays étranger et n'ayant pas de lien particulier avec le pays hôte (de dépendance ou autre). Pour ce qui des manifestations contre la politique locale, c'est évidemment une autre histoire.

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Commentaires
E
Celui qui démonte le mécanisme de l'indignation automatique doit s'attendre à être victime de l'indignation automatique.
J
C'est pas faux.... <br /> <br /> Sympa le com de ptipois!
P
C'est beau comme de l'Alexandre Adler. Mieux encore : beau comme du Finkielkraut. <br /> J'avoue que j'ai du mal à croire que tu sois l'auteur de ce texte.
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