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Mémoires d'un apathique
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8 janvier 2009

La vie nouvelle

Je viens de me taper le film éponyme de Grandrieux, en DVD bien sûr, aucun cinéma ne prendrait le risque de le passer en salle (d'autant qu'il est sorti il y a 6 ans). J'avais vu le précédent (Sombre) lors d'une des vendredis avant-garde de la cinémathèque, c'est dire.

Ca m'ennuie beaucoup de descendre son film. Le type est sincère (il était au débat qui avait suivi cette séance), il galère comme un fou pour faire des films hors-normes (10 ans pour en produire 3 qui n'ont pas du couter très cher chacun), des films risqués, pas stéréotypés pour deux sous (encore que ... Mais on y reviendra), des films en dehors de la ligne du parti (ie : la Clavier-Depardieu connection), bref, un franc-tireur courageux dont je ne peux que saluer la persévérance.

Mais je n'ai pas aimé le film.
Ce qui est une déclaration hypocrite.
Non : le film n'est pas bien.
Pas la peine de se dissimuler derrière mon éventuelle subjectivité.

Qu'il soit lent, que la bande son soit à moitié inaudible (en partie - il est vrai - à cause de la mauvaise qualité de la copie achetée chez un soldeur), que la caméra hystérique portée à bout de bras alterne avec de lonnnnnnnnnngs plans fixes, que les cadrages soient bancals, que la musique soit bruitiste, tout cela n'a pas beaucoup d'importance. C'est une loi du genre et a priori, ça ne me rebute pas, bien au contraire.

Non, ce qui me gène, c'est que le film semble être une accumulation de clichés. De clichés arty. On imagine bien au début du générique un message du genre : « Le film que vous allez voir a passé tous les contrôles du ministère du film arty et a obtenu la mention très bien ».

C'est un film pompier, d'une certaine manière. Comme il y avait des tableaux pompiers, dans le temps. Sauf qu'on a remplacé les fresques historiques (Sardanapale grattant son chien devant ses courtisanes lascives - Eugène-Léon Fromentin, 1885) par de la grosse iconographie arty (voir plus haut, ainsi que des endroits pourris en Europe de l'Est - un must) et des thèmes qui ne le sont pas moins (la violence des corps, la violence tout court, la mort, le pouvoir, etc ...). Evidemment, on pourrait dire que j'ai été pris à contre-pied de mes schèmes de représentations, en somme que je suis un gros plouc qui trouve qu'un film de Lelouch (ou ses équivalents modernes que je ne vais pas voir) est un sommet de cinéma artistique. Mais comme je l'ai dit plus haut, je n'ai rien contre l'avant-garde en elle-même, dans le principe je suis pour a priori et, par exemple, j'ai une grande tendresse pour Guy Maddin.
Le problème, comme je ne cesse de le répéter, c'est que ce film ne cesse de produire des signes d'avant-gardisme, tout comme un film comique français ne produit que des signes de situations drôles. C'est, si on veut, la différence entre Queneau et Perec. Queneau écrivait des livres d'apparence anodins et de facture classique, mais qui ne l'étaient pas, du fait, entre autres, de contraintes stylistiques fortes qu'il s'obligeait à respecter. Mais ces contraintes n'apparaissaient pas, elles n'étaient que la charpente qui - normalement - disparait une fois le bâtiment terminé. Alors qu'avec Perec (et je pense à La disparition, évidemment), on ne voit que la contrainte, l'oeuvre au final se résorbant dans l'exhibition fastidieuse et répétée de la contrainte.
Avec Grandrieux, c'est un peu pareil : on a l'impression qu'il s'adresse au spectateur pour lui dire « regardez comme mon film est arty, cette caméra qui ne reste pas immobile plus d'un 1/10 de seconde, et ce grain gros comme une balle de ping-pong, vous avez bien noté, hein ? etc ... ». La meilleure preuve qui soit de ce syndrôme du sac-à-clichés, c'est que des clichés identifiés et reconnus comme tels, il y en a, et des gros, des poisseux, des vulgaires. Des qui donnent la nausée et qui vous laissent les bras presque ballants. Les gens, quand ils veulent exprimer leur désarroi, ne hurlent pas à gorge déployée, la tête complètement renversée en arrière. Ou bien, quand ils sont accablés, ils ne se laissent pas tomber à genoux. D'abord parce que ça fait mal. Et ensuite parce que c'est quelque chose qui n'arrive que dans les oeuvres de fiction, que les artisans du genre recopient sans sourciller et sans réfléchir, et qui devient de ce fait un cliché. Comme se tordre les mains de désespoir. Ca confine au ridicule. Et, par moment, le film de Grandrieux (comme le précédent) confine - et je le regrette - au ridicule.

Et c'est d'autant plus dommage que (toujours comme dans le précédent) apparaissent soudain des scènes d'une stupéfiante beauté ou empreintes d'une incroyable charge émotionnelle et innovatrice (et, là, je pense à la séance du « coiffeur » qui baigne dans un érotisme tordu, moite et qui laisse la bouche pâteuse).

J'aurais pu simplement ne pas parler du film de Grandrieux et ne pas charger un type intègre, exigeant et sincère. Mais il touche à des sujets qui me tiennent vraiment à coeur comme le cliché et les problèmes de représentation en général. Alors, je n'ai pas su m'en empêcher ...

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