Tuons les grands hommes
Ellroy est un gros branleur. Ellroy est aussi L'écrivain de polar de référence en France, surtout chez les gens qui ne lisent pas de polars. Une sorte de Fred Vargas US. Naaan, je suis méchant. Mais il y a un peu de ça quand même.
Ellroy est une tête de noeud qui en rajoute dans le genre néo-conservateur crypto-pervers qui joue et surjoue son rôle. Ca impressionne beaucoup les gens qui aiment bien vivre par procuration et qui , ayant fumé un joint, n'en peuvent plus de lire un type qui reniflait les petites culottes dans les baraques qu'il cambriolait.
Ellroy n'est pas un très bon écrivain. Ses histoires dérivent d'articles de tabloïds comme il le reconnait lui-même et ont souvent l'air d'être photocopiées d'un ouvrage à l'autre. Quant à son style... Parlons-en : pas plus de 15 mots par phrase et le tour est joué. Pareil : il en joue et en surjoue. Ca donne un rythme haletant et authentique, ça impressionne les ploucs. Authentique... Ellroy, aime bien ce mot ; ce n'est pas un luthérien pour rien. Comme si l'authenticité avait quelque chose à voir avec l'écrit.
Ellroy est surestimé. Comme beaucoup de restos. Là ou j'habite, c'est plein de restos extrèmement médiocres devant lesquels les gens font la queue parce que ce sont des restos devant lesquels il faut faire la queue - ce sont des références. Alors, qu'objectivement, ils sont médiocres ; je le sais, j'y ai bouffé. Ellroy, c'est pareil. C'est une référence pour gens sans beaucoup de goût. C'est d'autant plus étonnant que dans le polar US de qualité, ce n'est pas le choix qui manque. Comme pour les restos d'ailleurs.
Pour tout arranger, Rivages exhume des fonds de tiroirs terriblement authentiques comme Destination Morgue, où Ellroy raconte avec une rare complaisance son passé de camé-alcoolo-paumé-pervers. Il le raconte avec une telle complaisance qu'il répète rigoureusement la même chose d'un chapitre sur l'autre. Je ne plaisante pas : vous pouvez vérifier. Mais il faut être honnête : c'est vraiment du fond de tiroir et l'ouvrage est en fait une compilation d'articles parus dans GQ (Gentleman Quarterly, une sorte de Maximal dont l'édition française vient de sortir). Imaginez un peu le public auquel était initialement destiné ces articles. Hordes de néo-beaufs qui mouillent leur slip quand Ellroy fait son grand numéro de reaganien rangé des bagnoles.
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A vrai dire, je ne connais personne qui lise ce genre de magazines pour hommes (Maximal et compagnie). Je n'en ai jamais rencontré, et ai un peu du mal à visualiser à quoi ça peut ressembler. D'un autre côté je ne connais pas non plus de femmes qui lisent Elle, quoi qu'il soit possible que - sans le savoir - j'ai d'aventure couché avec des lectrices de Elle. Mais ce qui est sûr, c'est qu'à côté de ces magazines pour hommes, Elle est un étincellant festival d'intelligence, de finesse et de culture.
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Bref, Rivages se fout du monde. Ellroy aussi, mais comme il pige pour GQ, on ne peut pas - dans ce cas d'espèce - vraiment lui en vouloir ; ce devait être pour payer des arriérés d'impots. Rivages n'est certes pas le meilleur éditeur de polars français, il est irrégulier (il publie aussi bien le nullissime M. Behm que le savoureux D. Westlake), mais là, c'est vraiment du foutage de gueule.
Ceci étant, ça ne retire rien à ce que je disais initialement : Ellroy est totalement surestimé, Ellroy est l'idole de gens qui ne connaissent généralement rien au polar, Ellroy arrive dans le peloton de queue des grands auteurs de polars US, Ellroy vit sur sa notoriété, Ellroy a un incontestable côté produit marketing imposé. Mais Ellroy s'y croit gravement - évidemment à force qu'on lui répéte que c'est L'auteur de roman noir -, Ellroy est gavant, Ellroy fait chier son monde, Ellroy est prévisible (autant du point de vue de l'intrigue que du style), Ellroy est tout simplement un auteur moyen. Moyen-plus, disons. Vraiment pas de quoi le mettre sur un piédestal.