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Mémoires d'un apathique
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21 septembre 2008

Brian Evenson

Deuxième livre de Brian Evenson que j'engloutis. Des nouvelles cette fois-ci. Toujours édité par Lot 49, toujours excellent (bien que les dernières publications tendent un peu vers le mainstream).
Avec des 4ème de couverture qui ne divaguent pas et n'expectorent pas des insanités notoires à propos d'écrivaillons encore plus notoires. Chez Lot 49, il n'y a pas tromperie sur la marchandise et Evenson explore bien « un monde crépusculaire » à l'aide d'une langue d'apparence classique, mais éblouissante de tenue et de simplicité simulée.
En bref, il écrit ce que j'aurais envie d'écrire de la façon dont j'aurais envie de l'écrire, avec un sens de l'ampleur, de l'exigence, de l'importance de l'écrit propres aux ricains, aux antipodes des vétilles qui passionnent le vieux pays de ringards où j'ai eu la malchance de naître.
Pour qui peut bien écrire Evenson ?
Qui est capable encore d'endurer une prose exigeante dans sa narration et son style, saturée d'ambiguités, qui proclame à mi-voix qu'un livre est autre chose qu'une leçon de morale pour dames patronnesses, qu'un relevé topogaphique des alentours immédiats du nombril ou qu'un compte-rendu des aventures amorphes de cocus dépressifs ?
Evenson, pour manger, est évidemment prof en fac, il ne peut pas vivre de son écriture, sa persévérance est admirable, mais il me fait penser à une sagaie au milieu de la foire aux armes de Satory.
Il existe probablement des fans d'Evenson, comme moi, disséminés aux USA et dans tous les pays dans lesquels il a été traduit, mais ces gens-là ne forment pas un réseau.
Evenson est un homme seul qui écrit pour des solitaires.
Des solitaires qui, comme moi, sont près à lire certaines de ses oeuvres dans la langue originale et à faire l'acquisition d'un Harraps.
La littérature, c'est le parent pauvre de l'industrie culturelle. La littérature exigeante, c'est le gamin qu'on a enchaîné à la cave et qui n'a jamais vu la lumière du jour.
Evenson, prêtre de cette littérature exigeante, me fait monter les larmes aux yeux et, soyons honnêtes, ma propre situation de solitaire aussi.

Il est vrai que j'ai le lacrymal facile en ce moment. Ma fille pleure sans arrêt, semble mourir de faim en permanence, B'. a été malade et ne donne pas beaucoup de lait, elle culpabilise et est épuisée, c'est un cercle vicieux, et, pendant qu'elle tente de rattraper quelques heures de sommeil, je reste seul dans la nuit, en compagnie d'autres larmes, avec, collé contre moi le petit être qui hurle à s'en briser les cordes vocales, sans rien pouvoir y faire, submergé par l'impuissance et un ras le bol qu'on a honte de s'avouer - et dieu sait pourtant que l'on comprend soudain toutes ces histoires de parents qui balancent leur progéniture par la fenêtre, dans le vide-ordure, qui l'enferment dans un congélateur ou le gavent de valium, pour simplement arrêter cinq minutes.

Et lire Evenson là-dessus revient à verser du sel sur une plaie, non pas pour la désinfecter, mais pour juste avoir mal, sans pour autant le faire sciemment.

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