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Mémoires d'un apathique
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30 août 2008

La censure, si je veux !

Dans un de ses posts, C/J rapporte les propos suivants :

Il y a 450 textes [de loi] environ, dispersés, traitant de la diffamation, de l'injure, de l'offense au chef de l'Etat, du respect de la vie privée, de la présomption d'innocence... Au-delà du principe, l'exception est devenue la règle. On n'ose même plus plaider la liberté d'expression : tout ce qui intéresse un juge, c'est savoir s'il y a une diffamation ou une incitation à la haine raciale, etc. On est donc véritablement dans le régime d'une censure. Mais à telle enseigne que l'autocensure est partout : elle imprègne tous les médias et tout la culture. J'ai un petit orgueil national qui me fait penser que mon pays a quelques principes : une tradition dans les arts et lettres, de pluralisme dans la presse et de liberté d'expression qui est inscrite dans notre Constitution. Je ne supporte plus qu'un conservateur de musée m'appelle pour savoir s'il a le droit ou non de faire une exposition d'art contemporain.


On est bien d'accord. On peut aussi ajouter Selon que l'on est riche ou pauvre ou que, d'après Lenny Bruce, La seule justice qu'on rencontre dans les palais de justice, c'est celle des palais ou que, par essence, l'institution judiciaire est conservatrice, si ce n'est réactionnaire...

Ok...

Que la censure empêche ou empêcherait des expos d'art contemporain me laisse assez froid. Qu'une nano-structure oeuvrant pour un micro-public soit censurée - ou puisse l'être : quasi indifférence. Que la censure pèse sur les media de masse, c'est gravissime - ou plutôt ça le serait, comme on va le voir. Sur d'éventuels galéristes, rien à foutre.
Sans compter que l'art contemporain - soucieux de ses prétentions à la rupture et à la radicalité, finalement, la censure, ça le réjouit plutôt, sur le fond. Punk is not dead, en quelque sorte. La censure, dans ce cas particulier, a tout du coup de pouce marketing, comme Mapplethorpe pourrait en témoigner.
Et puis sans rire, combien d'expos ont été censurées, interdites,  vilipendées ?  On fantasme  encore et toujours Hernani, 180 ans après. Le romantisme est décidément à coller au poteau avec douze balles dans la peau, et tant que cela ne sera pas fait, du bourbier, on ne s'extirpera pas.

Quant à l'auto-censure, on en est bien au delà. L'auto-censure suppose encore que la personne qui se restreint est consciente de cet état de fait, et, peut même éprouver des scrupules à  ainsi  se brider (sauf si c'est un journaliste, bien sûr). Actuellement dans les média (puisque c'est là qu'est le noeud du problème), les minus habens qui pissent de l'info sont convaincus de bonne foi que ce qu'ils racontent ou ne racontent pas sont des faits ou des non-faits. Il ne s'agit en aucun cas d'une expression contrainte par la censure ou l'auto-censure. Parce que pour cela, il faut une parole, c.a.d, un minimum d'intelligence et de culture, non pas de culture pour name-dropper, mais pour simplement être capable de lier les prétendus faits entre eux et faire ainsi apparaître ce qui n'est pas apparent de prime abord.
Arrogance et inculture, voire analphabétisme, sont les mamelles auxquelles ont été sevrés les  porte-flingues des média. Croyez-vous vraiment  qu'un Morandini (par exemple) pratique l'auto-censure ?  Et Morandini n'est pas la (sempiternelle) brebis galeuse ; c'est, au contraire, l'archétype du média-boy (ou girl) contemporain.
D'une certaine façon, la différence entre l'auto-censure et la bêtise satisfaite, est la même qu'entre le cynique et l'abruti sûr de son fait. On peut acheter, voire convaincre, le premier ; le second est irrécupérable.
Quand l'intelligence sombre dans une nullité abyssale,  l'exercice même d'une pensée critique - ou d'une pensée tout court - n'est même plus concevable. C'est la novlangue d'Orwell par des chemins détournés ...

Et qu'on ne vienne pas me parler de la blogosphère rédemptrice qui ceci, cela ... Les blogs traitant - disons - de l'actualité sont dans 95 % des cas, des paraphrases de ce qui est dans le move des média normaux, et, ce, et c'est fascinant, avec le vocabulaire, voire les tics de langage des dits média. Ce qui fait que que l'on a, si l'on veut, des gens qui glosent sur des sujets déjà traités, rebattus, et tellement peu intéressants, tellement peu risqués, tellement peu charnus, qu'ils n'ont même plus à se soucier d'une éventuelle censure ou auto-censure. On se moque souvent des quotidiens de province qui remplissent leurs pages avec les annonces de tournois de boules ou de rénovations de maisons de retraire. Ben, la blogosphère informative, c'est un peu ça ...
Dans Diary of the dead (pas bien bon, dommage, dommage), un des protagonistes dit : Avant il y avait 4 chaines d'informations, maintenant [du fait d'internet], il y en a 100000 [Et donc qui croire ?]. En fait, c'est faux : pour simplifier, il y a toujours 4 chaines mais 100000 voix différentes pour répéter ce que disent les 4 chaines - donnant une impression de 100000 paroles.

Alors tous ces discours sur la censure ? De la branlette dans 95 % des cas. On ne censure pas des teckels qui font caca où on leur dit de faire. Je l'ai dit dans un autre article : dans liberté d'expression, il n'y a pas que liberté. Il y a aussi expression. Et quand on a rien à exprimer, ça ne risque pas de déranger grand monde. Alors bien sûr, on se fait des frissons à peu de frais, on roule des mécaniques en évoquant l'ogre (la censure) ou les douloureux problèmes éthiques (l'auto-censure).
Tout cela n'a - en général - aucune espèce d'existence ...


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Commentaires
A
ah oui, c'est ça? un texte avec rien dedans, qui fait le plein... c'est quand même une performance, qui ressemble fort à tous les discours politiques, journalistiques, etc etc...<br /> mon amitié, <br /> ana
M
Le problème n'est pas là, en fait. Je dis que la censure envers l'art contemporain (si ça existe vraiment) est vénielle parce que : <br /> <br /> - a) ça touche une frange microscopique de la population et que les effets de la dite censure sont marginaux.<br /> - b) La censure est perçu comme une bénédiction dans le milieu, une preuve qu'on est dérangeant. <br /> - c) Contrairement au Grand Mythe Romantique, j'ai tendance à croire que l'Artiste est celui que l'on peut censurer en premier. Je ne dis pas que c'est bien de le faire, je dis que c'est avec lui que les effets nocifs seront les moindres.<br /> <br /> Bref, le début de l'article dit en gros : plutot que de se monter le bourrichon avec de très rares, voire hypothétiques, interdictions d'expos, on ferait mieux de s'occuper de là où la censure a vraiment un effet dramatique, à savoir les media de masse. Question de priorités, simplement.
V
Que 95% de gens soient des cons n'est pas nouveau. Que l'art contemporain soit à 99% marchandisé et n'ait plus grand chose à voir avec l'art, ok, vu et entendu.<br /> <br /> De là à en tirer l'argument que la censure envers un artiste ou une galerie on s'en fout, je trouve ça, moi pour le coup hallucinant. Et les 5% ou les 1% restants alors? On ne peut pas accepter la censure sélectivement en fonction de ce dont on se fout ou pas. Quelle légitimité auras-tu pour contester la censure de quelque chose qui t'importe si tu accepte celle des trucs dont tu te fous ?<br /> <br /> C'est le principe de la censure possible qui pose problème, pas le programme de la politique de censure du moment.
M
Merci pour les compliments :). Mais tu entends quoi, exactement, par "hallucinant" ?
M
Ton post est hallucinant ! Je suis d'accord avec toi, inutile de le dire c'est juste que c'est très bon... D'ailleurs c'est un peu pour ça que je viens te lire tu vois : tu diffères des autres voix et c'est très bon.
Mémoires d'un apathique
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