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Mémoires d'un apathique
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9 juillet 2008

La ville

(....) Les jolies filles, les très jolies filles, les reines du bal de quelque chose n'intéressaient personne, alors elles partaient dans les banlieues résidentielles où d'ailleurs elles résidaient, s'accouplaient à des natifs du coin raisonnablement nantis et (se) reproduisaient. Les plus ambitieuses ou les moins méfiantes partaient vers des endroits où leur plastique pouvait être monnayable, car il y a des contrées où le 90-60-90 est un met de choix. Mais pas chez nous.

On appelait ça Tirer la Barbie. La drague en elle-même, c'était l'avoué qui l'enseignait. Avec les bombasses, ça passait comme une lettre à la poste,  non pas qu'elles fussent aussi connes qu'on a tendance à se l'imaginer, mais elles jouaient un rôle sur mesure écrit à l'avance, rôle dont elles n'avaient pas conscience ; répondre correctement aux 10 points de la Méthode était pour ainsi dire inscrit dans leurs gènes, tout comme capturer une souris l'est pour un chat, sans même  qu'il y prête attention. Même les plus moches, les goitreux, les bossus, les bouffés d'acné pouvait partir bombasse sous le bras et lit dans la lunette d'approche. Il suffisait de suivre scrupuleusement la Méthode. Vous parlez d'un intérêt...

(...) Il y avait aussi la Technique qu'on appelait ainsi pour la différencier de la Méthode. La Technique c'était comment assurer au moins un orgasme à la dame. Avec aussi le rab qui changeait la donne. Car la Technique, sur le fond, était dégueulasse parce qu'il s'agissait de rendre la fille amoureuse, sinon dépendante, de la bite et du reste. On appelait ça : Marquer le point. Il ne faut pas oublier qu'on était vraiment une bande de pauvres types, que nos vies allaient se dissoudre dans une médiocrité de plus en plus flétrie, que nous n'étions rien et moins que rien, mais que l'avoué - un minable - maîtrisait la Méthode sur le bout des doigts et que le magasinier se chargeait de nous enseigner la Technique. Alors, les beautés pleuraient toutes les larmes de leur corps lorsque le Don Juan édenté ou bouffé par la pélagre partait voir ailleurs un tronçon du vaste monde ; une autre paire de seins parfaits promise à notre confédération de cloches.

(...) Bien entendu, c'était impossible. Ca ne pouvait pas exister. Il y avait quelque chose de dégradant à être téléguidée ainsi par une succession d'instincts mis en branle et orientés par des trucs qui auraient à peine tenu sur une feuille A4. Recto. Non seulement, c'était un scandale, mais ça ne pouvait pas exister. C'est du moins ce qu'on ne cessait de nous répéter, la vie, l'intime et l'intime de l'intime, ça ne se résumait pas à quelques tours de passe-passe et de manipulation presque à la portée du premier venu. On  laissait dire. La terre  ne tournait pas autour du soleil, on était bien d'accord, avec tout le monde s'il le fallait, même avec les tenants d'une terre plate, mais on continuait d'appliquer la Technique, parce que, quoi qu'on en dise, c'est Kepler qui avait raison.

(...) Il y avait évidemment plusieurs niveaux dans la Technique, certains réclamant une solide foi, des heures d'études et de cas pratiques, ainsi qu'une patience d'ange et une capacité sans faille à mentir comme un arracheur de dents. Quand une des plus récalcitrantes, des plus méfiantes et/ou des plus cyniques succombait et voyait un blanc destrier surgir à l'horizon, on appelait ça Faire capot. C'était réservé aux meilleurs d'entre nous, ceux qui avaient suivi les cours avancés, donnés par le magasinier secondé par le premier magistrat. On était des minus, des sous-merdes, à peine reconnus par nos familles, mais Faire capot, ça nous rendait plus que fiers, car vous pensez bien que ce n'était pas donné à n'importe qui de transformer de fières amazones en lectrices de Nous deux. C'était même la classe et les champions de ce genre d'exercices étaient jalousés en même temps qu'admirés. Dans notre petit cercle évidemment, parce qu'au delà, nous étions plutôt vus comme une belle bande de salauds.

(...) Appliquer la Technique dans le cas des bombasses, c'était beaucoup de travail pour pas grand chose. La Méthode suffisait bien, et comme c'était lassant à la longue, trop facile et peu gratifiant, on avait fini par se rabattre sur les
pas-vraiment-jolies-mais-pas-mal-quand-même, assez du moins pour être sur leur garde et ne pas tomber dans les bras du premier type à leur accorder un peu d'attention. Celles qui avaient de petits problèmes dermatologiques, des séquelles de brulures ou d'opération, des cicatrices, des yeux vairons, une asymétrie franche dans le visage, les cheveux prématurément blanchis ou rares devenaient des proies de choix qu'on admirait, qu'on désirait, qu'on se repassait à intervalles réguliers et, parfois, dont on rêvait la nuit. Certains devenaient même réellement amoureux. Beaucoup pour être franc. Ils disparaissaient un beau jour avec leur dulcinée, quittaient la ville, diminuant un cheptel qui finit par devenir dérisoire en moins d'une décennie. Mais à ce moment là, nous étions tous devenus trop vieux, trop connus, trop visibles et définitivement figés dans la graisse de notre non-existence.

 

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Commentaires
C
Ah oui tiens, je connais pas celui-là. Je connaissais bien "Mon petit poney" à l'époque, mais bon. <br /> Spike séduction c'est du grand art, une sorte de jeu vidéo pour trentenaire oisif et frustré. C'est très drôle, je t'assure. Je le lis de temps en temps, quand j'ai le cafard.
M
Moi, c'est plutôt young_sluts_with_donkeys.com, mais ça m'a un peu passé. Et non, effectivement, je connais pas.
C
Ne me dis pas que tu connais pas ! Et adopteunmec, tu connais ?
M
Dis-moi, t'en connais des trucs-toi ...
C
Ahah. Oui, clap-claps aussi. ça me fait penser (de loin hein) au forum "spike séduction"*<br /> <br /> * Pour info le forum Spike Séduction c'est le nous-deux du déménageur de moins de 40 ans.
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