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Mémoires d'un apathique
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1 avril 2008

Gras double

Plutôt que de pérorer sur les choses du monde auxquelles je ne connais rien ou de faire de la prose à la fois poétique et névrotique (ce qui n'est jamais une très bonne idée), je vais donner dans ce que je sais le mieux faire : la tranche de vie au débotté, dont tout le monde se contrefout (mais le reste aussi).

La grande question de ce début de XXième siècle n'est pas :

  • Jusqu'à quand allons-nous supporter les conséquences des hallucinations cognitives d'Adam Smith ?
  • Pourquoi X couche-t-elle avec tout le monde sauf avec moi ?
  • Avons-nous autant besoin de valeurs que d'une bonne isolation phonique ?

Mais :

  • Où peut-on trouver une triperie à Paris ?

C'est S. qui a soulevé le problème la première. Comme ça n'entrait pas dans la catégorie grandes questions existencielo-sociétales (et que ce n'était pas gout apocalypse), je n'ai pas pris cela très au sérieux. Après tout, le type qui est à l'Elysée et qui est à la classe ce que le Prince-Ringuet est aux oreilles, il faudrait trouver un truc astucieux pour le renvoyer chez lui faire du sodoku, et ça c'est une putain de vraie problématique.
Mais quand vous voulez faire des tripes à l'Algéroise (ie : avé des poivrons et de la cannelle), l'absence notoire de dealers en tablier blanc vous fait prendre conscience de l'énormité de la quête à entreprendre et par conséquent de l'anormalité de l'absence en elle-même. En d'autres termes : S. a foutrement fucking raison.
Nos concitoyens ne croient plus aux valeurs du travail, ni au coté soyeux et agréable à caresser du lien social. Ils ne mangent pas non plus de tripes, c'est moyennement hype, ça fleure bon son terroir vichyssois les sabots dans le crottin, et le petit cadre, les sushis, ça le laisse comme deux ronds de flan - l'apex de la modernité diétético-hygiénique et de l'exotisme.
Je me suis pris par la main, et suis allé dans une boucherie de taille raisonnable au marché dont j'ignore toujours le nom, mais, c'est pas difficile, vous descendez à Chateau-Rouge le samedi et c'est Dakar comme à la maison, avec, en sus, systématiquement, un plein car de CRS en faction pour que l'on sache que, dans ce pays, faire ses courses dans les meilleurs conditions de sécurité, nos amis les cooptés du ministère de l'intérieur, ça leur tient fort à coeur .
Et je demande au boucher s'il a du gras double. Parce que les tripes, dans les livres de cuisine, ça s'appelle du gras double. Vous allez comprendre pourquoi. Le mec me  regarde comme si j'étais l'idiot du village, ayant paumé ses chèvres et un canard caquetant encore planté au bout de la bite. Mais mon pauvre monsieur (Traduction simultanée : Non, mais d'où tu débarques ducon ? ), mais y'a des années qu'on n'en vend plus et vous n'en trouverez pas à des kilomètres à la ronde. Devant mon air penaud, il ajoute : mais si vous voulez, je peux vous vendre des tripes fraiches, me désignant un énorme sac débordant de coupes de moquette brunâtre. Je lui explique que, non, c'est à manger que je veux faire et il me révèle que le gras double, ce sont des tripes (oui, les trucs, là, tout poilus), mais pré-cuites. Prêtes à l'emploi. Parce que sinon, 4 bonnes heures à la cocotte-minute sont nécessaires  à la transmutation.

Trop c'est trop ! J'ai laissé tomber, ai acheté un kilo de chèvre, et j'ai préparé ma recette old-school de la daube provençale. B'. a été émue de voir que j'étais capable de faire autre chose que d'enfourner des plats surgelés dans le micro-ondes et de le lancer plein pot pendant 5 à 7 minutes.

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Commentaires
M
C'est ça. Dejean. Et la chèvre, c'est en ragout, pas grillée, sans quoi la cuisine minuscule ressemblerait à Stalingrad le jour de la rédition.
C
Dejean. Le marché, pas les tripes. Et c'est bon les tripes, mais vu que chez nous tu peux faire la meilleure chèvre grillée avec ses petite bananes plantains frites à quelques centaines de kilomètres à la ronde (ouais ouais, je suis sûre!) tant pis pour les tripes
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