Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mémoires d'un apathique
Archives
30 mars 2008

Géographie de l'Enfer

Je me suis toujours demandé qui allait en Enfer. Dans mon esprit il y a toujours eu deux cas de figure : soit on y est expédié pour des fautes vraiment graves (relevant du pénal, en gros), soit en ayant succombé à un des pêchés capitaux (y compris en  pensée). Dans le premier cas, l'Enfer ressemble à un village de vacances, façon bungallows au bord de la mer et n'abritant qu'une population dérisoire, dans le second, c'est la banlieue de Rio.
Il faut bien voir que, les damnés étant immortels, leur lieu de résidence ne peut que croitre indéfiniment  en  cercles concentriques à partir d'un noyau dur constitué vers l'an zéro de l'ère chrétienne. La punition étant aussi infinie que la faute (si l'on en croit St Augustin), l'Enfer - en tant qu'espace urbain - doit être de même infini. Avec tous les problèmes d'habitat qui en découlent.
D'après les quelques renseignements lacunaires dont nous disposons, il semble qu'il faille répartir les habitants de l'enfer  (Hell dwellers) en 4 catégories :

  • Ceux qui vivent dans dans le noyau central, dans des logements individuels de type résidentiel correspondant à ce qui se faisait sur terre au moment de sa création (malgré les insulae romaines). Ce sont des privilégiés, similaires aux électeurs de Neuilly-sur-Seine.
  • Ceux qui possèdent un appartement dans les barres de la première couronne.
  • Ceux qui partagent un appartement collectif dans la seconde et troisième couronnes, équivalents des moscovites des années 70.
  • Enfin, ceux qui sont parqués dans les favelas suburbaines, en nombre croissant et de plus en plus turbulents.

Il ne faut pas perdre de vue que les damnés, du fait même de leur nature, sont d'assez mauvais coucheurs dotés d'un esprit civique particulièrement déficient. Les incivilités ne sont donc pas rares, et pour peu qu'on abandonne ce jargon de sociologue aux ordres, il faut bien admettre que les émeutes du logement sont extrêmement fréquentes.  Emeutes qui ne débouchent sur rien, les protagonistes étant immortels et réussissant de ce fait à conserver leur bien (ou ne parvenant pas à le conquérir, suivant les cas). La situation reste donc stationnaire (malgré l'absence notoire de forces de maintien de l'ordre), d'autant plus stationnaire que l'impossibilité de tout décès ne peut assurer un renouvellement des locataires.
l'Enfer est donc condamné à s'étendre indéfiniment, et les services concernés à construire de plus en plus de barres de plus en plus hautes, en diminuant l'espace vital alloué à chaque damné (6,5 m2 par personne semblent aujourd'hui une limite haute).
On pourrait croire que les autorités se contentent de laisser cet état de chaos croitre et embellir. Après tout, un lieu de pénitence, de souffrance et de misère (au moins morale), peut parfaitement s'accommoder d'une situation de quasi guerre civile.
Il n'en est rien, les dernières directives provenant du Centre Administratif étant très claires à ce sujet. La situation est similaire à celle d'un camp : en cas de perte progressive de contrôle, la possibilité que les internés s'échappent ne fait qu'augmenter ce qui va à l'encontre de la finalité même du camp. Certes, on ne voit pas très bien, en l'occurence, pourrait bien aller les damnés s'ils parvenaient à sortir de l'enceinte.  De surcroît, l'Enfer pouvant être assimilé à une sphère de rayon potentiellement infini, on ne peut pas non plus imaginer où pourraient se situer les points de sortie. Reste toutefois, l'entrée, la porte A, le centre de la sphère, le lieu par où transitent les damnés après leur séjour terrestre, et qui constitue le point faible de tout le dispositif.
Le danger, d'après plusieurs analystes, demeure néanmoins assez faible : les plus virulents des émeutiers, résidant à l'extrême périphérie,  devraient traverser les différentes couronnes avant de parvenir au point d'exfiltration. En particulier, il auraient à affronter les habitants du noyau central, attachés à leur privilèges et peu désireux de voir le statu quo remis en cause par une ouverture des Enfers vers l'extérieur. Des milices auraient été mises sur pied dans ces quartiers, milices qui, selon des sources officieuses, se livreraient à des expéditions punitives (et préventives) dans la zone suburbaine. Certains y voient une source d'intensification du chaos, d'autres un gage de stabilité.

Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle, nul n'est capable de dire où exactement déboucheraient d'eventuels évadés, et c'est probablement cette absence de certitude qui explique la coopération de toutes les parties concernées.

 

Publicité
Commentaires
Mémoires d'un apathique
Publicité
Publicité