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Mémoires d'un apathique
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23 mars 2008

Post dominical

Il y a quelque chose de répugnant dans la façon dont nos plus beaux affects se transforment en marchandise. Dont on les transforme, pour être plus exact.
Nous sommes des mammifères et, en tant que tels, plus ou moins programmés pour faire preuve d'une coupable indulgence envers les petits de l'espèce et même ceux d'autres espèces (de mammifères, j'ai assez peu de sympathie pour les mygales nouveaux-nés). C'est du fait de ce para-instinct qu'un chaton tigré peut être considéré comme la bestiole la plus craquante de tout l'univers connu.
Par la bande, la femme enceinte bénéficie aussi de ce capital de sympathie. C'est d'ailleurs un thème assez récurrent de nombre de livres ou de films que la protection de la femme au 7ème mois de sa grossesse par des troupes hétéroclites de vilains barbus mal dégrossis se muant en preux chevaliers (j'ai en tête deux-trois westerns sur lesquels je n'arrive pas à mettre un nom). C'est aussi un des ressorts des Fils de l'homme que je viens de revoir en DVD.
Sauf qu'en l'occurence, il ne s'agit pas d'exploitation, puisque les Fils de l'homme est un bon film (pas transcendant, mais bon), et que l'utilisation de grosses ficelles psychologiques est une constante depuis que l'humain raconte des histoires à d'autres humains (c'est même l'essence du mélo). C'est probablement indispensable au principe d'identification.
Non, ce qui est proprement immonde, c'est la quantité de saloperies innommables que des enculés en marketing déversent sur les femmes dès qu'il ne leur est plus possible de perdre 5 kilos avant l'été en se nourrissant exclusivement de pépins de banane. Dont des magazines genre Elle ciblés baleine.
Déjà, j'aimerais qu'on m'explique pourquoi l'iconographie de la grossesse est toujours aussi foireuse. Pourquoi diable la future maman est-elle toujours photographiée une main sur son bedon, un sourire éthéré aux lèvres et l'air radieux de celle qui est en communication directe avec le Saint-Esprit ? Evidemment, les difficultés à monter les escaliers, les coups de pompes, les nausées, et les séances de vautre devant la télé sous une petite laine sont nettement moins glamour. D'un autre côté, présenter chaque femme enceinte comme un succédané de la Ste Vierge est, outre un foutage de gueule éhonté, une insulte pour la gente féminine. Sans compter que des dynasties de peintres un peu plus talentueux ont immortalisé cette condition depuis le haut moyen-âge, et que ces tirages de photographes cachetonneux sont positivement à gerber.
Mais il y a pire : de pustuleuses crapules fournissent de surcroît des CD de musique jolie pour que le bébé-dans-le-ventre-de-sa-maman puisse bénéficier des ondes supérieurement positives que lui fournissent nos grands compositeurs.
Et quels grands compositeurs ! Chopin,  Schumann,  Schubert ... Que la crème de la musique d'ascenseur avant même que l'ascenseur ne soit inventé. Mais ne déclenchons pas de polémiques auprès des amateurs de barbe à papa pour piano. La vraie honte provient d'une interprétation lamentable à faire passer un clavier midi pour un monstre de finesse (ce qui donne une version quasi hardcore du très traditionnel Avé Maria de Schubert). J'ai même eu droit à un extrait des Préludes de Debussy, qui faisait tâche parmi les autres nains, et qui m'a fait littéralement sauter au plafond.
Comprenez bien : la femme enceinte est certes radieuse, mais radieuse comme   une génisse. La grossesse est le signe patent d'une régression vers l'animalité, en tout cas vers un état qui ne permet en aucun cas de juger de la qualité d'une interprétation. Toute à sa béatitude infra-humaine de bientôt mettre bas, la presque maman laisse ses critères esthétiques sur le paillasson et apprécie n'importe quoi, du moment de c'est gentil et que ça dispense une brume rosâtre alentour.

On ne saurait être plus insultant. Surtout quand c'est à MA femme-enceinte-à-moi qu'on envoie ces merdes.


Sinon, un petit coup de pub pour le dernier Gondry qui est vraiment, mais vraiment sympa - et dont, de toute façon, le pitch d'enfer avait titillé mes neurones. Un petit sorry à S. qui a reçu le sms trop tard (mais ça nous a pris comme une envie de pisser).

Après avoir insulté une bonne partie de la littérature « d'avant-garde », après avoir lu Kathy Acker et Peter Sotos (chez Désordres-Laurence Viallet), après une plongée (heureusement momentanée) dans les douloureux méandres de ma Géhenne personnelle, après quelques commentaires bien sentis, je suis en train de me demander si je ne vais pas mettre en place mon blog-enfer (au sens de la BN). Je vous tiendrais (peut-être) au courant.

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Commentaires
M
Ouais pour le Gondry, c'est vraiment pas de chance.<br /> Sinon pour la littérature espérimentale (qui n'est pas celle du monde des livres laquelle est un ersatz), c'est un sentiment d'ambivalence qui me tenaille. D'un coté je conchie, de l'autre je lis (ou pourrais lire) Marc Levy et me dis que finalement ...
P
Sur la littérature dite "d'avant-garde" (ou de une du Monde des Livres), ça fait longtemps que je me dis que tu te fais du mal inutilement. Mais si tu concrétises cette automutilation par une œuvre (par exemple le blog-enfer), là elle revêt une utilité et un sens. La littérature contemporaine a une fonction, oui je l'affirme, on peut s'en servir pour caler les pieds de bahut ou consigner la catastrophe sous forme d'anthologie.
P
Pour le Gondry : ouuuiiiiinnnnnnn !<br /> <br /> Pour le blog-enfer, je t'encourage chaleureusement. Par ailleurs, quand est-ce que tu nous refais un blog photo du niveau du regretté Edmond ?
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