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Mémoires d'un apathique
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13 septembre 2007

Polars and co

En fait, je me dis souvent que je devrais tenir à jour une sorte de journal des polars que je lis. Car j'en lis beaucoup. Tellement, même, qu'il m'arrive de me taper un déjà vu. Je me demande d'ailleurs si je n'ai pas quasiment vidé tout le stock des bibliothèques municipales (de Paris).
J'aime bien les polars. Outre que c'est une écriture du réel (ou censée l'être, on y reviendra), c'est surtout un genre protéiforme. Assez reposant de surcroit. On ne peut pas lire tous les jours Finnegans Wake, surtout vautré dans son lit.
Proteifome dans le sens où ça va du whodonit (à la A. Christie, que les mille chevreaux lui dévorent les entrailles) au hard-boiled en passant par toute une gamme de possibles, en particulier tous ceux pour lesquels l'intrigue policière n'est sur le fond qu'un pretexte. Qui sont, je pense, mes préférés. Ceux qui sont une littérature du réel, en simplifiant.
On peut évidemment citer Crumley. Ou Thornburg. Ou même Cormac Mc Carthy. Matthiessen, si on veut. Ou d'autres.
Même un Lansdale ou un Westlake qui se donnent comme de purs divertissements laissent parfois rêveurs.
Palhaniuk est essentiellement publié dans La Noire, alors qu'en tout état de cause ils ne s'agit PAS de romans policiers.
On trouve parfois des petites perles là où on ne les attendrait pas comme un Chuck Logan chez Murder Inc.
Ceci étant, le polar, c'est comme le reste : 90% de déchets.
Mais sur le fond pas plus de déchets que dans n'importe quel autre genre (la SF par exemple) ou même dans la littérature généraliste.
Le public est lui aussi proteiforme. On peut supposer qu'il est composé essentiellement de gens qui ne lisent qu'à la plage et qui trouvent très fatigant de lire à la plage. D'où des machins affligeants à la Grangé, à la Benacquista ou à la Mankell. Encore que Mankell ne soit pas si affligeant que ça. C'est juste chiant et prévisible. Et chiant parce que prévisible. Mankell est archétypique du polar pour classe moyenne, avec de la psychologie de et pour classe moyenne (contrairement à ce que prétendent les ânes de Fluctuat, mais ils n'en sont plus à ça près), de bons gros clichés, des personnages-clichés avec des préoccupations-clichés, et un moralisme doucereux qui ne risque pas de troubler qui que ce soit. Du polar pour mémères, fastidieux comme la majorité du polar scandinave, soit dit en passant.
Ce qui caractérise ce genre - le polar mainstream -, c'est le petit clignotant Atelier d'écriture inside qui s'allume dès les 2 premières pages. De la littérature inventée par des psycho-sociologues bas de gamme.

On va prendre Eaux Dormantes de John Harvey, parce que je me le suis farci dimanche et que ça m'a vraiment gavé. Autant le dire tout de suite, je vais d'une insolente arrogance. Ce qu'on semble apprendre dans un atelier d'écriture, c'est de favoriser l'identification du lecteur. En d'autre termes, de faire en sorte que le dit lecteur puisse se mettre à la place du/des protagoniste(s). Comme quand c'est bien fait, c'est quelque chose qui demande un talent certain, on préfère avoir recours à de grosses ficelles, lesquelles sont gigantesques dans le cas de Harvey.
Le bonhomme nous décrit par le menu comment sont fringués les gens. Ce dont on se fout. Enfin, moi. On retrouve évidemment là, l'obsession narcissique du look de l'employé du tertiaire. Ca identifie un max, donc. Par exemple, bidule portait un pantalon fauve clair et une veste à carreaux. A vrai dire, je me représente mal ce que peut être un pantalon fauve clair avec une veste à carreaux. Fauve clair, pour moi, c'est pas très loin de jaune. Avec une veste à carreaux, c'est une sorte d'habit de Bozzo le clown. Evidemment, on accumule les clichés, ce faisant : l'inspecteur gay (et noir) est toujours super-bien fringué, à la dernière mode. Normal : il est gay. Il adore la déco d'intérieur, aussi. Ben, tiens ! Moi, les gays que je connais paraissent faire leur courses à l'armée du salut et s'intéressent plutôt à la mécanique auto.
Et puis Harvey passe son temps à nous décrire ce qu'ils mangent, les gens, que ce soit chez eux ou au restaurant. Ils mangent d'ailleurs des trucs chers et raffinés, peu en rapport avec leur salaires de flics. Ca fait rêver le lecteur, les restos directement sortis de l'agenda du Nouvel Obs. Harvey est très très plouc, soyons clair. Quand il veut mettre en scène un flic différent, il lui fait écouter du Jazz. Billie Holliday. Mmmm ... Quelle différence ... Un flic acousmaticien ou spécialiste d'expressionnisme abstrait, ç'aurait risqué d'être un peu trop différent. Du jazz ... Je vous demande un peu. Evidemment, le héros-flic est très comme il faut : il assume la part de femme qui est en lui et discute avec sa copine. Il l'écoute. Comme dans un talk-show, quoi. D'ailleurs il est révolté par la maltraitance que subissent les femmes, physique et psychologique. On ne peut evidemment qu'être d'accord avec lui, mais comment dire ... C'est un peu trop lisse. Trop propret ; comme de mettre les emballages plastiques dans la poubelle ad hoc. Harvey a lu deux bouquins sur le sujet, qu'il donne d'ailleurs en référence ; on sent que la prochaine fois, il en lit deux autres sur le Darfour et nous pond un bouquin avec des vrais morceaux de Darfour larmoyants dedans. Lansdale, par exemple, dépeint des rapports hommes-femmes à la fois 1000 fois plus subtils et plus intimes, alors que c'est n'est absolument pas sa préoccupation majeure. Et le héros gay, est une brute épaisse, noir et votant républicain...
Au final de cette mise en scène de psychologie petite-bourgeoise (oui, osons le terme !), on se retrouve avec une ode au conjugal petit-bourgeois, aux vertus du travail petites-bourgeoises et pour tout dire une merveille de post-beaufferie qui a bien appris ses leçons.

Voilà ce que donnent - généralement - les ateliers d'écritures : des bouquins qu'on dirait écrits par des logiciels d'intelligence artificielle, laborieux, fastidieux, prévisibles et vains. Et surtout très très chiants. Ce qui est un comble pour le genre.

 

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