Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mémoires d'un apathique
Archives
10 juillet 2007

My name is Rouillé, James Rouillé

Il y avait longtemps que je n'avais autant jubilé.  Je viens de tomber, telle la poule face au ver dodu, sur un merveilleux article-on-the-internet. Ici.
Le manque de maitrise conceptuelle de l'auteur est assez stupéfiant, d'autant qu'il semble être  Maitre de  Conf à Paris 8 (C'est ce qu'indique Google).  C'est  Keynes qui (en substance) définissait l'enseignement universitaire comme  des connaissances inutiles distillées à des  incapables par des incompétents.  Sage  maxime. 
Je cite André Rouillé : [l'artiste] n’est contemporain que dans la mesure où son œuvre résonne des pulsations du monde, où elle traduit avec les moyens de l’art les forces qui agitent le monde et orientent ses devenirs. C'est le fond de son argumentation pour défendre et définir le vrai art contemporain.
Ce qui soulève évidemment les problèmes suivants :

  • Quelles sont ces pulsations du monde ? Comment les reconnaitre, qui a compétence à les détecter, à répérer les bonnes, les pulsations authentiques, fondamentales ? Et pas les pulsations apparentes, les pulsations de seconde zone ? D'ailleurs les dites pulsations existent-elles ou n'est-on qu'en présence que d'une infra-littérature boursouflée ? Les pulsations en question ne seraient-elles que les clichés du jour qui, justement, agitent la branchitude que Rouillé repousse ?  En quoi un galériste, un critique, un artiste est-il particulièrement bien armé pour saisir ces pulsations ?  Cela parait plutôt un boulot de sociologue et l'on sait ce qu'il faut en penser. 
  • Ensuite, comment reconnaître l'artiste qui intègre les dites pulsations ? D'autant que si ces pulsations ne sont que deux ou trois banalités médiatiques/médiatisées, l'artiste n'est finalement qu'un peintre pompier de plus à ceci près que les schèmes référentiels ont changé depuis le XIXème siècle. Cherchant à nier la notion d'art officiel, Rouillé fournit de facto les verges pour se faire battre sans même s'en apercevoir.
  • Plus grave, on ne voit pas très bien pourquoi ce serait cette définition qui serait la bonne. Et pas une autre. Ou pas de définition du tout. Après tout, la formule pour le moins amphigourique de Rouillé frise le ridicule, rappelle la vieille mythologie de l'art engagé, et nage en plein fantasme. L'idée même de congruence entre pratique artistique et pratiques du monde dans ce qu'elles ont de fondamental, in fine, ne parait pas autre chose qu'une forme de suivisme, d'académisme, et de réalisme soviétique. Tout cela en admettant, je le répète, que les dites pulsations aient une quelconque existence et ne soient pas autre chose que les poncifs à usage des gogos du siècle.

Une fois assenées les conditions d'un art contemporain absolument véritable, il ne reste plus à Rouillé qu'à dévider sa quenouille. Partant d'une assertion douteuse, si ce n'est fausse, il peut s'en donner à coeur joie et entamer sa joyeuse croisière au pays enchanté du n'importe quoi.
Ayant appris en première le Thèse-Anthithèse-Synthèse, notre merveilleux auteur concède ensuite qu'effectivement le système de gestion de l'art contemporain  en France (avec ses FRAC, DRAC, et compagnie) est plutôt perfectible (difficile de le nier). Mais nous apprend que Sans minimiser les carences de l’establishment, il faut admettre que ses acteurs sont en contact direct avec la scène internationale de l’art, et très au fait des grands mouvements de l’«art mondialisé» dans lequel s’inscrit précisément l’«art contemporain». Je résume : Les administrateurs en France tout nuls et cooptés qu'ils soient, sont dans le move, connaissent les gens qui comptent, sont au courant de la dernière tocade sur le marché de l'art, ce qui est une garantie ... De quoi, au fait ? Des pulsations du monde ou des mouvements erratiques du marché de l'art ? On est en plein principe d'autorité, et dans le même temps dans un provincialisme totalement assumé (ce qui marche à NY, LA - ou n'importe quelle place hype - est non seulement bon, mais représente les véritables tendances de l'art). Hallucination circulaire et auto-référentielle. On pourrait utiliser le même genre d'argument non pas pour les administrateurs mais pour les jetsetters pour arriver au même résultat ; il suffit de changer les bons substantifs dans la phrase pour qu'elle apparaisse dans toute sa vacuité d'ode au suivisme.

Rouillé qui, décidemment, a bien mérité de l'université française termine son article par une conclusion surpuissante qui nous laisse pantois : les râleurs sont agis par une forme de théorie du complot, vieille rhétorique que l'on ressort, quelque soit le domaine, dès que quelqu'un pointe un dysfonctionnement. Il faudrait rappeller au maitre de conférence Rouillé qui est censé avoir une culture générale minimale, que la théorie du complot présuppose une explication officielle, laquelle est contestée au nom du complot. JFK n'a pas été tué par un tueur isolé agissant pour son propre compte, en fait, il y avait d'autres tireurs, à la solde de la CIA, de la Mafia, etc ... Le fait que la commission Warren ait conclu à la culpabilité d'Oswald est, paradoxalement, une preuve du complot.
Dans le cas du monde de l'art contemporain, les insuffisances des institutions, les côteries, la nullité des acteurs s'étalent au grand jour. La dénonciation, ici, ne relève pas de la théorie du complot, puisque les coupables évidents sont désignés comme tels. Pas besoin d'aller chercher, par exemple, les manoeuvres occultes de quelques financiers, ce qui, pour le coup, serait une théorie du complot. Qu'un Buren, par exemple, soit comme cul et chemise avec les décideurs culturels de la place de Paris n'a rien d'un scoop ou d'une réalité ténébreuse réservée à quelques initiés sournois et masqués. Et le reste est à l'avenant.

Bref, que voyons nous : un maître de conférence dont le zéro conceptuel accable, une mauvaise foi pitoyable et une conception (le mot est un peu fort, soyons honnête) de l'art contemporain totalement surranée. On sent que le débat va avancer à pas de géant ...

Publicité
Commentaires
M
J'ai longtemps eu l'occasion de cotoyer le proprio de la chambre de bonne... Ses éditos reflétent bien sa personnalité et tout ce que je déteste dans le milieu de l'art. Heureusement, on ne retrouve ça nul part ailleurs dans la presse française... Vivement que Paris-art coule et que son rédacteur en chef tombe dans les méandres de la critique (sixième sous-sol à côté de la cafetière et de la douche...).
M
Tu m'as déjà dit que c'était un gros con, et dans ton souvenir, c'était le bon (c.a.d Yves). C'est la vie :)
J
C'est sûr qu'à deux c'est toujours mieux, ça crée plus de signifiants, tout ça.<br /> Yves Michaud, d'ac, je note, j'avais rencontré un Michaud un jour, un gros con, mais je crois que c'était Eric. Faut que je vérifie ce point épineux.
M
Ou alors on fait un truc encore plus concept à deux : tu m'envoies par la poste tes rognures, je fais un truc conceptuel avec et toi tu donnes la touche finale à la monstration en la modifiant, mais les yeux bandés parce que c'est plus beaucoup mieux. <br /> Sinon, j'aime bien Y. Michaud qui n'est pas vraiment critique et qui est parti en vrille dans son dernier bouquin sur le sujet (avec ses histoires d'identité qu'il faudrait toujours manipuler avec des pincettes).
J
Oui, oui. Si ma gourmandise me le permet, je monterai un projet ultra-contemporain sur les rognures de peau. Sinon, dis, y a qui comme critique d'aujourd'hui, vivant, qui te semble surnager ?
Mémoires d'un apathique
Publicité
Publicité