Duris inside
Il y a une chose dont je suis bien certain. Je ne pourrais jamais être critique ciné ou critique livre. Mon honnêteté foncière m'obligerais à descendre au moins 90% de la production. C'est d'ailleurs à mon avis pour cela que l'état de la critique est ce qu'il est dans ce pays ; un critique qui ferait vraiment son boulot se mettrait tout le monde à dos. Et rendrait flagrantes la veulerie et l'inculture crasse de ses collègues. Un bon critique ne peut donc pas exister.
Et personnellement, massacrer semaine après après semaine les daubes inodores que génère notre beau pays, je ne trouve pas cela très exaltant. Flinguer à vue, de temps à autre, quelque valeur sûre franco-française, ce peut être jubilatoire. En faire son métier, c'est un coup à devenir dépressif. Ou houellebecquien.
Comme je reste malgré tout d'une naïveté confondante et que je crois à la possibilité de talents même nourris au sein de l'avance sur recettes, je ne peux pas m'empêcher de me dire Oh, ce film, des tas de gens ont aimé, pas des brelles à priori, si j'oubliais mes présupposés 5 minutes, après tout c'est en video, je pourrais toujours arrêter dans le pire des cas.
C'était un prélude. Pour expliquer que j'ai vu De battre mon coeur s'est arrêté. Je me suis dit que le gros effort que je faisais serait récompensé. Malgré la présence de Romain Duris.
J'execre Duris. C'est le prototype même de l'acteur en CDI, dénué de talent, de présence, mais obligatoire. Un futur Depardieu, à ceci près que l'Inamovible a été bon dans le temps. Duris joue un bad guy au début du film. Duris en bad guy, c'est comme un bisounours dans le rôle de Scarface. Pas crédible. Duris qui se bat dans les bars, c'est comme Huppert dans un film de kung-fu. Impensable. Pourtant, on y a droit. C'est fascinant, d'ailleurs : tous les autres acteurs, figurants inclus, jouent mieux que Duris. Même Laure Atika. A se demander à quoi a pensé Audiard le jeune.
Donc, c'est un bad-guy. Mais comme c'est un film moral, il y a rédemption. Par la musique. Classique. Cause que sa maman était une pianiste concertiste. Sa maman n'aurait pas pu jouer de l'accordéon ou du biniou. Ou lui, faire des cathédrales en allumettes. Non, c'est la Grande Musique qui sauvera Duris. C'est l'indice 8 sur l'echelle de plouquerie de Werstein-Guillobardot. La Point de vues/images du monde touch. Comment dire ? Le méchant rédimé par la musique, c'est Danny the dog. De la putain de subtilité.
On a droit aussi à la poésie-noire-et-urbaine de Paris-la-nuit (c'est 'achte beau une ville la nuit, quoi, j'veux dire) et à des relations père-fils tendues. Ce qui n'est pas du tout un cliché narratif, comme la médaille qui signalait la haute naissance du héros censemment fils de bohémiens dans les romans de cape et d'épée. Absolument pas. Jamais de la vie. Il faut dire que c'est cette tâche de Benacquista qui s'est coltinée le script. Forcement, en réunissant autant de pointures dans un seul film, on ne peut aboutir qu'à un chef d'oeuvre qui troue le cul à la pelleteuse.
Soyons honnête, De battre mon coeur s'est arrêté n'est pas une sombre merde. En particulier, ce n'est pas juste un téléfilm tourné en 35 mm. Audiard le jeune a fait des efforts. Inutiles, certes, mais louables. N'empêche que je me suis fait vraiment chier, vraiment, d'autant que je l'ai regardé jusqu'au bout, espérant contre toute attente qu'une péripétie sortirait cette production du marigot à poncifs.
Ce qui me fascine, ce qui me rend dingue, ce qui me fait douter de l'humanité de l'humanité, c'est l'excellente réputation que ce film inutile se trimballe. Comme tant d'autres. C'est la France, c'est comme ça, c'est le vide en amont et l'apathie apeurée en aval. Ca promet pour les 20 ans à venir ...