Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mémoires d'un apathique
Archives
5 novembre 2006

En revenant d'hosto (ha ha ha)

Dostoievski m'a toujours puissamment fait chier. Bien entendu on m'a longtemps fait comprendre (et on continue à le faire) que j'étais dans l'erreur, et que Fiodor était un de ces titans de la littérature devant lesquels l'unanimité tire ses feux d'artifices. On m'a mené face au marbre sur lequel est gravé l'acte de reconnaissance par l'Humanité de l'excellence absolue de Fiodor.
Tout cela ne m'a pas convaincu des masses énormément.
D'abord parce que Fiodor, il m'emmerde.
Ensuite parce que ses supporters frétillants ne m'émeuvent pas outre mesure par la justesse de leur goût ou simplement par la présence tout court d'un goût.
Fiodor, c'est un peu comme Mozart. Et je ressort un extrait de commentaire que m'a laissé quelqu'une qui en a (du goût) : [Mozart] La musique des gens qui ne comprennent pas la musique, de même que le bordeaux est toujours le choix des gens qui ne comprennent rien au vin. En résumé, l'admiration pour Fiodor ne vient trop souvent de ce que Fiodor est supposé être admirable.
Parce que Dosto, par exemple, il nous gratifie de longues, longues pages, des dizaine de, où ses protagonistes dissertent à n'en plus finir sur des sujets censemment profonds, mais qui sont autant de poncifs pompeux. Quand j'étais encore au lycée et que nous glandions en salle de permanence, attendant le prochain cours, il y avait toujours un élève, qualifié par les profs de terriblement mûr, et promis à un bel avenir de notable de province, pour, de la même façon, passer en revue tous les clichés immortels ; la vie, la mort, l'engagement, l'amour, la finitude, et autres yaourtières obligatoires. Dosto est d'une certaine manière l'auteur favori de tous les pions de sous-préfecture avec son acharnement à gloser sans conscience du ridicule, à explorer méticuleusement le catalogue des idées reçues.
Il y a un point commun entre Dostoievski et Stephen King, que nul ne semble avoir relevé : la capacité de tartiner 800 pages à partir d'une intrigue qui en nécessiterait 20 grand maximum.
Et puis, je ne sais pas comment dire ... Ses personnages hystériques, ruisselants de supposée profondeur qui ne cessent de discourir, tout cela est terriblement daté ... Je sais bien que les Grands Zoteurs sont intemporels ; c'est ce qu'on nous répétait en classe, alors que nous nous demandions au nom de quoi on nous infligeait du Corneille. Lequel est absolument illisible de nos jours. Sans compter que les salades de Corneille, on s'en fout. Les Grands Zoteurs sont comme tout le reste ; soumis à la corrosion du temps. Leur succès, à l'époque, était lié à une adéquation au zeitgeist. Lorsque ce dernier évolue de telle façon que les considérations des GZ deviennent caduques, le Grand Toteur devient un Noteur Daté. Seule une mystique du Grand Toteur et de son intemporalité parvient, contre toute évidence, à le prétendre encore acceptable pour un lectorat contemporain. Je comprends bien qu'il soit rassurant de croire à la persistance de quelque chose (du talent, en l'occurence) à une époque de sables mouvants, mais c'est une manière un peu infantile de se raccrocher à quelque chose de stable ou supposé tel. Parce qu'évidemment personne ne se soucie de lire des GZ ; il suffit de prétendre qu'ils existent, et que nous ne sommes pas jetés en un monde en perpétuel mouvement, sans attaches. Il serait trop cruel de se mettre à les lire pour s'apercevoir du ridicule de l'illusion et de l'ennui titanesque né de cette lecture.
Il est possible qu'à l'époque, Dostoievski ait été considéré comme une sorte d'idéal-type de l'âme slave, tourmentée et mystique, un peu comme ces violonistes hongrois qui peuplaient la littérature pour mémères. Fiodor était donc une carte postale de la Russie fantasmée en occident. Cela explique peut-être et, entre autres, son succès (d'époque).

Leonid Andreiev est un auteur russe, mort en 1919. Pas contemporain de Fiodor, un peu postérieur. Immensemment populaire dans son pays, si j'en crois une des préfaces. Pratiquement inconnu en France, puisqu'il est édité par José Corti, ce qui est une sorte de preuve par défaut. Pourtant, Andreiev, est un auteur surprenant. D'abord bien meilleur que son exhumation d'un fond de tiroir ne le laissait présager. Ensuite, extraordinairement moderne, tant sur la forme que sur le fond. Bien sûr, certaines de ses nouvelles ont mal vieilli, comme ce roman inachevé dans lequel le diable prend forme humaine pour visiter les mortels, une de ces paraboles fatiguantes pourtant monnaie courante en ces temps archaiques où la pensée de Dieu et du mal hantait les esprits.
Andreiev est un auteur à découvrir, et, de mon point de vue, infiniment supérieur à Dostoievski.
Evidemment, l'on se demande pourquoi l'un chauffe ses pieds au panthéon des GZ et l'autre se les gèle dehors.
Mystère de la postérité.
Comme tout le monde ou presque, j'ai cru en la pensée rassurante que certes les mauvais auteurs pouvaient connaître une gloire mondaine et momentanée, mais que sur le long terme, le bon grain se séparerait de l'ivraie par quelque procédé, il est vrai un tant soit peu magique. Il semble que ce ne soit pas le cas. Ou pas forcement. Après tout du XIXème siècle, en France, on a plutôt retenu Flaubert que Paul de Koch, comme quoi, il semblerait bien que la machine à filtrer fonctionne.
Alors ?   
Je ne sais pas en l'occurence.
Ce qui est sûr : Dostoievski m'emmerde. Il est totalement surévalué par des gens qui ne reconnaitraient pas le talent même s'ils le shootaient. Ces mêmes personnes se pâment devant des Grands Zoteurs, reconnus comme tels, et qui s'avèrent effectivement, mériter, au moins en partie, l'idôlatrie fellatrice qu'on leur prodigue. Dostoievski fait partie du club des Grands Zoteurs.
Voilà les données :  vous en  tirez les conclusions que vous voulez ...

Publicité
Commentaires
M
Le premier point est interessant (l'oeuvre littéraire en tant qu'élément de l'histoire des mentalités), mais j'en parle justement ("Il est possible qu'à l'époque, Dostoievski ait été considéré comme une sorte d'idéal-type de l'âme slave, tourmentée et mystique (...)") assez longuement.<br /> <br /> Ensuite l'argument d'autorité avec Nietzsche me laisse assez froid. Ce brave homme a dit aussi beaucoup de bêtises, et sa conception de la psychologie était pour le moins particulière.<br /> <br /> Quant à élite/contre-élite, c'est extrèmement agaçant de voir des gens faire comme si la hi-culture n'existait pas, comme si elle n'était pas enseignée à l'école, comme si le capital symbolique et tout ça. Qu'on commence à admettre ce fait, ensuite on discutera, mais avec un tel degré de cécité volontaire, c'est pas la peine ...
E
J'ai l'impression que vous considérez une oeuvre que dans une optique actuelle, le rapport que cette ouevre peut avoir sur vous.<br /> Mais on peut aussi voir les ouevres d' auteurs passés a la postérité ( dosto,...) comme un moyen de découvrir une époque et un mode de pensée, justement parcqu'ayant du succès, ces auteurs symbolise une pensée que les gens avaient.<br /> Ensuite, tu critiques la prétendue manque de finesse des analyses de dosto, on se demande alors pourquoi Niestche a écrit que le seul a lui avoir jamais appris quoi que ce soit en psychologie, c'est dosto; a moins que tu ne consideres aussi que les écrits de nietsche sont des inepties,et là...<br /> Et puis, la question élite-contre élite, chacun est sa propre élite et peut aimer ce qui lui plait sans toujours avoir a se référer à d'autres personnes, le but de la littérature n'est pas de créer des clubs ou des gens se reconaissent parce qu'ils ont meme gout 'élite) mais de prendre du plaisir en réfléchissant.
M
Pour ce qui est de la postérité, elle est relative. Les freres Karamazoff datent de 1880. Soit 130 ans. Une paille à coté de Shakespeare (vers 1600) ou de Villon (vers 1450). Une réévaluation est donc parfaitement loisible.<br /> <br /> Quant à l'argument de la postérité suivant google, j'avoue qu'il me laisse un peu pantois (Britney Spears obtient un score au moins 100 fois supérieur).<br /> <br /> Et au risque de me répéter, l'analyse de l'âme humaine de D. est au mieux datée, au pire ridicule, si vous rencontrez souvent des Idiots, faites moi signe, ça m'interesse. A moins, et c'est très probable, que la dite analyse se soit pas réaliste, mais se pose la question de savoir pourquoi elle est tant admirée.
L
Bonjour,<br /> <br /> J'interviens un peu tard mais bon.<br /> <br /> Pour ma part je peux comprendre que l'on n'aime pas car bien entendu il y a parfois des longueurs et des romans disons "ratés" mais comment devient-on un grand écrivain et reste-t-on dans les mémoires aussi longtemps ?<br /> Il y a forcément pour ça du talent ! <br /> Car je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que la majorité n'aime pas dostoievski !<br /> Faites une recherche sur google et vous verrez que beaucoup de personne, comme moi, classe "les frères kamazarov" comme l'un des plus beaux romans !<br /> Vous n'aimez peut être pas le style, c'est légitime, mais malgrés tout il ressort dans tous ses romans un pacifisme hors du commun et une analyse de l'âme humaine très poussée que l'on ne retrouve pas partout.<br /> Faites nous découvrir des auteurs mais ne nous fachez pas sur ceux que l'on aime tendrement.<br /> <br /> Cordialement,<br /> LZ
M
On n'a jamais assez de fans.
Mémoires d'un apathique
Publicité
Publicité