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Mémoires d'un apathique
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19 octobre 2006

Liberté et pression

La liberté d'expression, c'est un peu comme mamie Nova. Tout le monde se lève lorsqu'elle apparait. C'est la potiche obligatoire sur la commode du salon devant laquelle on se découvre avec respect. Ce qui est un peu idiot, tout de même (de se découvrir devant une potiche).
C'est important. Il est fondamental de monter sur ses petits ergots rognés dès que ça craspouille un peu dans les soutes. Allons enfants de la patrie, arretons ces féroces soldats et formons un rempart de nos poitrines dénudées.
J'ai l'air de ricaner, là ...
Mon confesseur est ok, et je peux l'avouer : c'est vrai.
D'abord, la liberté d'expression, c'est très bien de la vénérer comme la Ste Vierge à Lourdes. En user, c'est une toute autre histoire. Ne fut-ce que parce que la justice, dans ce pays, est faite pour museler la dite liberté sans coup férir.
Imaginons que, saisi d'une sainte colère, vous vouliez publier un pamphlet assassin contre XXXX (ici n'importe quel nom issu du gotha français ; des media en particulier). Hop, un procès au cul car vous avez porté atteinte à la dignité de XXXX. Même si XXXX est un incompétent corrompu (et c'était d'ailleurs le sujet de votre pamphlet). Pierre Jourde Dans La littérature sans estomac avait sous-entendu (assez lourdement, il est vrai) que Le Monde des Livres était une sorte de Mondial du renvoi d'ascenseur avec Sollers dans le rôle du liftier en chef. D'accord tout le monde le sait. Mais on n'a pas le droit de l'écrire ; la preuve, un avocat outré, tout rouge d'indignation, lui a expedié une lettre cruelle sur ordre du Monde des Livres. Avec menace de mise en scène au tribunal. Qui n'a pas eu lieu il est vrai ; mais LMDL aurait risqué le ridicule le plus complet. Malgré la belle bande de microcéphales qui y oeuvre, on est arrivé là-bas à la conclusion que ce genre de facétie pénale pourrait finalement nuire.
Autre exemple : PLPL publie un papier sur le redoutable A. Minc, grand Tirésias post-moderne à propos duquel ils ressortent quelques insanités publiées jadis (dont l'excellent pronostic selon lequel l'URSS en avait encore pour de nombreux siècles à perdurer - 6 mois avant la chute du mur de Berlin). Grosse colère du gnôme multi-cartes qui traine les très méchants de PLPL dans une salle avec un juge en joli manteau d'hermine. Bon, certes, il perd le procès.
Et même si vous ne vous en prenez pas nommément à un individu, si vous en restez à des entités vagues (si par exemple
vous daubez les catholiques), il y aura toujours quelqu'un pour se porter partie civile, car vous avez discrédité ce qui donnait sens à sa vie (en l'occurence la confédération des familles chrétiennes avec la raie sur le côté).
En résumé, la justice est faite pour museler les empêcheurs de tourner en rond. De toute façon, qu'attendre d'une organisation notoirement conservatrice, si ce n'est réactionnaire ? Méditez cela, petits lapins ...

Mais bon, le problème n'est pas vraiment là. Dans liberté d'expression, il y a deux termes. Toi aussi ami lecteur, trouve les deux termes cachés dans le décor.
Non, c'est pas liberté. Trop facile. C'est expression qu'il fallait repérer.
Comment dire ? Ce qui pose problème, ce n'est pas tant la liberté que l'expression. Tresser des couronnes de laurier à la liberté d'expression quand on n'a rien à dire, pas d'expression en somme, ça a quelque chose d'un peu ubuesque. Les imbéciles, avez-vous remarqué, ont la bouche déformée à force de cracher de la liberté d'expression dans tous les coins. Les imbéciles :  ceux qui de toute façon n'ont rien à dire et qui en plus n'osent pas le dire de manière publique. Assez paradoxalement, ceux qui se réclament de la liberté d'expression sont les plus chauds partisans du statu quo. La liberté d'expression fait partie du statu quo, notez le bien. Ils sont scandalisés quand on ne peut pas exprimer des propos islamophobes avec un porte-voix au JT de 20 heures. Alors que les propos islamophobes forment un gimmick obligé des media. Comptez les propos islamophiles dans les organes de grande diffusion en prime-time et revenez me voir. Tenir des propos racistes dans un pays dont le personnel politique et les intellectuels (vous savez, les mecs qui racontent la même chose que votre boucher, la bonne viande en moins) sont ouvertement racistes (au nom de l'universalité, bien sûr), ça c'est de la liberté d'expression. Le jour où un imam se fait interviewer sur TF1 à une heure de grande écoute et qu'il promet à la France (pays impie) une guerre civile, vous me prévenez, hein ?
Si je veux résumer, la défense de la liberté d'expression, c'est la permission de hurler avec les loups. Personnellement, je voyais un truc un peu plus risqué et un peu plus classe.
Enoncer les clichés du moment, c'est de la liberté d'expression. De toute façon, si on fait le contraire, c'est le procès direct.
Des fois, je me dis qu'il faudrait peut-être moins de liberté et plus d'expression.
C'est un peu le phénomène du politically correct. Des têtes de noeuds extra-choice s'imaginent qu'en reprenant le tout-venant réactionnaire, ils font dans la rebel-attitude, dans le politically uncorrect. Certes, ce sont des imbéciles. Mais ce n'est pas non plus une excuse. Ils s'imaginent (et le croient vraiment) que l'espace public est encore noyauté par des gauchistes subversifs qui font là loi. Mefiez-vous des soviets de journalistes à TF1 !
Ces misérables crétins n'ont pas remarqué que plus de 30 ans se sont écoulés depuis les années 70, période où, effectivement, le marxisme se taillait la part du lion. D'ailleurs nul doute qu'à l'époque ils auraient récité du Maspéro les yeux bandés. Voyez-vous, minuscules abrutis, actuellement, et ce depuis 20 bonnes années, tout le monde est libéral. C'est le discours dominant. Et ce n'est pas le plus grave. Non, ce qui est assommant, c'est la regression mentale qui accompagne ce libéralisme (alors que, théoriquement, il n'y a aucune raison pour que ce soit le cas). On en revient aux délicieuses recettes du XIXème siècle : travail/famille/patrie. Dans un pareil climat, on voit qu'il est vraiment politically uncorrect de traiter les immigrés de voleur de travail et les chômeurs de feignants. De la putain de liberté d'expression ...

En résumé, chers petits amis, avant de me les casser avec votre liberté d'expression, réfléchissez deux minutes et ayez quelque chose d'intelligent à dire. De risqué. De neuf. Quelque chose qui va à contre courant. Ensuite, ensuite seulement, vous aurez le loisir de vous poser la question de la liberté ...

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Commentaires
M
Ben, moi, c'est caramel, d'abord !
P
La crème Mont-Blanc, ça c'est très cool ! Au chocolat, indétrônable.
M
A tout prendre, je préfère la crème montblanc, surtout les versions très junk food, genre gout (et couleur) pistache ...
P
Moi non plus, c'est pourquoi je me lève rarement.
M
Waaaaaaaaaa ! Trop la honte ! Oui, c'est vrai, c'est pour Danette. D'un autre côté, j'aime pas la Danette ....
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